Le billet vert de Gildas Bonnel

Depuis l’arrivée d’Elon Musk, les scientifiques et experts du climat sont confrontés à des monceaux d’insultes et de menaces sur le nouveau Twitter. Mais où est le super-héros qui foutra une raclée au méchant à la fin de l’histoire ?

Les 10 et 11 octobre derniers, Thierry Breton et Elon Musk ont échangé menaces et moqueries après que le Commissaire européen a fait un rappel à l’ordre pour que Twitter respecte le règlement européen sur la modération des plateformes – le Digital Services Act (DSA). La déferlante de messages et vidéos les plus trash sur les événements au Proche-Orient révélait son peu d’empressement à filtrer les contenus les plus extrêmes. La passe d’armes fut signifiante sur le rapport de force entre les deux hommes. L’Europe se révèle bien affaiblie alors que nos représentants découvrent le poids des réseaux sociaux dans la manipulation des opinions publiques lors des élections démocratiques au sein de l’Union. Le même Elon Musk vient, il y a quelques jours, de se moquer sur son compte Twitter du président ukrainien, le ridiculisant dans un post pour décrédibiliser son besoin d’aide financière occidentale. Le même Elon Musk qui, il y a un an, se proposait comme intermédiaire pour négocier une paix avec Poutine. Le même qui, pendant quelques heures après l’invasion russe, avait hésité à mettre à disposition ses satellites de Starlink pour aider l’Ukraine… Et pourtant, ce même Elon Musk que le président de la République a reçu en juin dernier (pour la troisième fois depuis décembre) avec moult égards pour tenter de le convaincre de choisir la France pour implanter une usine Tesla (et les emplois qui vont avec…). 

Sur Twitter, la violence n’a plus de limites. Les scientifiques et experts du climat, depuis l’arrivée d’Elon Musk, sont confrontés à des monceaux d’insultes et de menaces. Elles et ils sont nombreux à quitter le réseau social où le négationnisme climatique fait aujourd’hui florès. Ils le disent, nous alertent. Nous sommes donc au courant. Nous savons que c’est devenu un outil puissant de manipulation politique incontrôlé et que nous y maintenons encore des investissements marketing qui nourrissent le système. Cela dit, bonne nouvelle : en décembre 2022, Twitter avouait une baisse de 40% de son chiffre d’affaires par rapport à l’année précédente (et la reprise par Elon Musk) et la France a été en première ligne. Pierre Calmard, président de Dentsu Aegis Network France, déclarait dans Le Figaro en mars dernier que Twitter était devenu « un déversoir incontrôlable d’échanges débridés ». J’avais apprécié, à l’époque, sa clairvoyance et son courage. Les annonceurs français, sensibles à la « brand safety », ont été très nombreux à stopper leurs investissements. Nous ne pouvons que louer ces décisions éthiques mais soyons vigilants car certains d’entre eux sont tenter de revenir en catimini.

 Après une précédente biographie de Steve Jobs, parue en 2021, Walter Isaacson a publié le mois dernier chez Fayard la biographie d’Elon Musk. Pour Le Monde, « le fondateur de Tesla apparaît comme un ingénieur visionnaire et courageux, mais surtout comme un être humain détestable ». Elon Musk, c’est l’archétype du méchant dans Batman. Il a d’ailleurs fait un clin d’œil au justicier masqué en imposant, en juillet dernier, un X lumineux géant dans la nuit de San Francisco, au grand dam des riverains et de la municipalité qui a déposé plainte et obtenu son démontage. Mais où est le super-héros qui foutra une raclée au méchant à la fin de l’histoire ? J'ai un bout de réponse. Un tout petit bout. Je quitte Twitter, je sors. Je suis tétanisé, sidéré, par la violence des échanges et je n’ai pas le courage de celles et ceux qui continuent à supporter les attaques anonymes, la vulgarité, la misogynie, le racisme, la bêtise crasse. Je ne suis pas assez courageux pour considérer que c’est dans l’antre de la bête que l’on devient héros. J’ai toujours eu super peur des dragons et des savants fous. J’ai assez regardé Batman en fait.