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A l'occasion du Web Summit à Lisbonne, la dirigeante du site Onlyfans s'est défendue d'encourager la prostitution, insistant sur les contrôles stricts de l'âge et de l'identité mis en place depuis plusieurs mois.

Outil d'émancipation pour des actrices face à l'industrie du sexe ou antichambre de la prostitution ? La plateforme sociale par abonnement Onlyfans est devenue en quelques années le symbole technologique d'une pornographie amatrice et décomplexée. Si le site fondé en 2016 au Royaume-Uni met autant en avant ses cours de cuisine ou de musique que ses contenus pour adultes, c'est bien ces derniers - des photos et vidéos - qui font le succès de la plateforme aux 180 millions d'utilisateurs et quelque 2 millions de créateurs, des chiffres qui ont explosé lors de la pandémie de Covid-19.

«Tout le monde sur la plateforme est majeur», a assuré le 2 novembre la nouvelle dirigeante d'Onlyfans, Amrapali Gan, qui s'exprimait lors du Web Summit à Lisbonne, en insistant sur les contrôles stricts de l'âge et de l'identité mis en place depuis plusieurs mois. «Ce qui est intéressant sur Onlyfans, c'est la liberté. On contrôle ce que l'on fait, c'est de l'indépendant, pas du porno mainstream. On fait ce qu'on aime, ce qu'on a envie de faire, ce que nos abonnés veulent aussi», a expliqué à l'AFP Kny Vy, actrice X et ancienne streameuse de jeux vidéo, membre d'une commission du syndicat français du travail sexuel (Strass) dédiée aux plateformes.

Onlyfans prélève une commission de 20% sur les abonnements de quelques dizaines d'euros que souscrivent les «fans» pour accéder ou commander des contenus aux créateurs. Depuis sa création, le site aurait reversé plus de 10 milliards de dollars, a indiqué sa dirigeante. Pour Kny Vy, qui a investi dans du matériel de tournage professionnel et dispose d'une communauté conséquente, ces revenus varient entre 600 et 3.500 euros par mois, mais ils sont bien moindres pour la majorité des créatrices.

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«Plus vous publiez de contenu, plus vos abonnés adhèrent à vos pages. C'est comme sur Instagram», explique l'une d'elles, qui se définit comme «libertine» et dispose par ailleurs de son propre site pour distribuer ses contenus, réalisés comme un «hobby» à côté d'une autre activité professionnelle. Onlyfans offre, selon elle, à la fois des facilités de paiement aux fans et «un cadre plus sécurisant» que les studios traditionnels de l'industrie du X aux actrices, ce qui leur permet «de refuser des pratiques qu'elles n'ont pas envie de faire».

Mais le développement de la plateforme et de sites concurrents comme le Français MYM «encourage l'idée que vendre des photos de son corps permet d'arrondir ses fins de mois. Ça encourage forcément la prostitution», juge Sandrine Goldschmidt, représentante du Mouvement du Nid, une association abolitionniste. Et même sans contact physique, cette «marchandisation des corps» s'apparente selon elle à de «l'exploitation sexuelle».

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«De nombreuses jeunes victimes de prostitution ont commencé par poster leurs annonces sur le site Onlyfans», a affirmé par ailleurs Bérengère Wallaert, déléguée générale de l'association Agir pour la protection des enfants (ACPE), qui considère qu'Onlyfans facilite la mise en relation de jeunes filles vulnérables avec des clients ou des proxénètes. «Rien ne se passe sur Onlyfans sans que nous le sachions», s'est défendue Amrapali Gan lors du Web Summit. «Chaque contenu (photo, vidéo et message privé) est modéré», à la fois par un système automatique et «par un humain», a-t-elle ajouté.

Onlyfans avait tenté l'année dernière de bannir les contenus à caractère sexuel, un mouvement interprété comme une tentative de rassurer les investisseurs avant une potentielle entrée en Bourse. Mais le site avait finalement renoncé face à la fronde des créateurs et avait expliqué avoir obtenu le soutien des banques et opérateurs de paiement, qui menaçaient de couper les ponts. «Nous sommes une entreprise privée. Nous ne faisons aucune démarche en vue d'une introduction en Bourse», a dit sa dirigeante à Lisbonne.

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