TRIBUNE

[Tribune] L’affaire Berdah/Booba met un coup de projecteur sur l’influence marketing et ses dérives. Au-delà de la chronique, elle fait prendre conscience que la professionnalisation des métiers de l’influence devient un sujet urgent.

La question de la professionnalisation des métiers de l'influence marketing est posée avec de plus en plus de force sur des réseaux sociaux agités par certaines affaires et par les médias traditionnels, qui se sont également emparés du sujet. Les causes de l’engouement autour du sujet sont connues et légitimes : comment des personnes, qui se définissent précisément par l’influence qu’elles peuvent avoir sur un public plus ou moins large, parfois vulnérable, peuvent se retrouver les acteurs ou les complices de comportements dangereux, pénalement ou moralement répréhensibles, en toute impunité et en y trouvant une source de revenus parfois indécents.

Mais au-delà du phénomène de ce que certains appellent les «influvoleurs» et leurs excès, le monde de la publicité pose déjà depuis longtemps des questions autour de la professionnalisation des acteurs de l’influence marketing et commence à y apporter des réponses adaptées, parfois avec l’aide du législateur.

Prenons l’exemple de l’identification du lien commercial entre un influenceur et une marque. Dès 2015, la DGCCRF a ouvert des enquêtes concernant certains youtubers qui vantaient les mérites de jeux vidéo, sans mentionner le fait que ces critiques élogieuses constituaient en réalité de véritables publicités rémunérées par les marques. C’était le début de l’influence marketing, qui avançait masquée, en faisant fi des principes de transparence et d’identification pourtant de mise dans les formes classiques de publicité.

Donner un statut aux influenceurs

Au même moment, l’infraction de pratique commerciale trompeuse était étendue pour viser précisément ce type de comportements. Et les professionnels de la publicité, par la voix de l’ARPP, émettaient dès 2017, des recommandations sur les bonnes pratiques du marketing d’influence. La question de la transparence de la collaboration, même si elle revient parfois encore sur le devant de la scène, a donc trouvé ses solutions : un texte de loi, une recommandation de droit «souple», une autodiscipline et même de la pédagogie pour éduquer les nouveaux arrivants sur ce que doit être de l’influence responsable.

Du reste, l’ARPP n’a pas attendu la polémique des «influvoleurs» pour ouvrir de nouveaux chantiers. Elle s’est attelée en 2020 à mettre en place le Certificat de l’influence responsable. Mais il faut aller plus loin.

D’une part, il est important de continuer à donner un statut aux influenceurs. Les solutions actuelles ne sont pas parfaites et il existe d’importantes zones d’incertitude, aussi bien pour les influenceurs que pour les marques qui y ont recours. Trop souvent, le statut du mannequin, appliqué de gré ou de force à un influenceur, n’est pas la bonne solution. De nombreux  influenceurs sont aujourd’hui de véritables médias qui permettent aux marques d’accéder à une communauté de followers. Doit-on les traiter comme de simples porteurs d’une marque ou bien comme de véritables prestataires de campagnes publicitaires ciblées vers un public fédéré et choyé ?

Obligations qui pourraient peser sur les influenceurs

De ce statut, doit aussi résulter l’adoption d’obligations qui pourraient peser sur les influenceurs. On sait qu’une agence de publicité qui créé et diffuse une campagne doit s’assurer que cette campagne est licite, qu’elle ne viole pas les droits de tiers, qu’elle respecte les prescriptions légales ou réglementaires. C’est une obligation qui lui incombe en sa qualité de professionnel. L’influenceur professionnel doit aussi répondre de ses messages et ne peut s’affranchir de vérifications et du respect d’un corps de règles (le droit de la publicité) qui s’est bâti autour de la protection des consommateurs et du respect du droit des tiers et des concurrents.

L’autre chantier qui s’impose, c’est celui du statut d'agent d’influenceurs. C’est une nouvelle profession qui, pour l’instant, n’a pas de cadre réel. Il peut parfois emprunter celui de l’agent d’artiste (mais un influenceur est-il toujours un artiste ?) ou celui plus large de mandataire. Mais il y a un enjeu important de sécurité et de transparence pour les acteurs et les marques : quelles sont les obligations d’un agent d’influenceurs ? Quelle est sa rémunération et à quelle contrainte de transparence doit-il être astreint ? Est-ce une profession compatible avec d’autres, comme la régie, l’agence de publicité ou un autre média ? Les mélanges des genres sont-ils profitables à la clarté des montages proposés ?

Au risque de revenir à l’opacité des années 80 à laquelle la loi Sapin avait mis un terme salutaire, il parait urgent de réfléchir à ces questions et de trouver des solutions concertées. L’appel du ministre Bruno Le Maire sur le sujet est salutaire et en tant que praticiens du terrain, nous nous tenons à sa disposition pour participer à la réflexion conduite autour des États généraux de l’influence.

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