Portrait

La directrice du cabinet d’avocats August Debouzy, spécialisée dans les entreprises technologiques, détonne par sa quiétude et son écoute. 

Quand on pénètre le hall des nouveaux bureaux d’August Debouzy, on baisse automatiquement la voix. Que ce soit la moquette, les murs aux différents bois, ou la verrière donnant sur la cour intérieure, tout incite aux murmures. L’acoustique a été spécialement travaillée pour se sentir en confiance et apaisé. Précisément le rôle d’un avocat. Aux origines, une histoire de famille. Le nouveau bâtiment, rue de Téhéran dans le 8e arrondissement, accueille 250 personnes (dont 150 avocats). Il a été dessiné par le cabinet d’architecture Studio Razavi, fondé par Alireza Razavi, le frère de Mahasti Razavi, la directrice associée du cabinet qui en a pris les rênes en 2017. Tous les deux sont Iraniens et arrivés en France pendant la révolution de 1979. Derrière ses cheveux coupés courts et son sourire solaire, Mahasti Razavi n’est pas de ces avocats qui courent derrière les minutes : elle prend le temps de parler, d’écouter, et de faire visiter chaque recoin de ces nouveaux bureaux, qui abritaient auparavant le siège des Parfums Dior. L’écoute et le calme, sûrement le secret de sa réussite. 

Devenue avocate par hasard, elle met un point d’honneur à garder de la distance. «Nous sommes là pour porter la voix de l’entreprise et pas celle d’un individu. Pas matérialiser des désirs, ou des doutes, mais porter la parole nécessaire la plus juste face aux circonstances», énonce-t-elle sereinement. Refusant autant la bellicosité que les attaques, elle s’évertue à voir son métier comme «protéiforme, centré autour du droit». Mais, ajoute-t-elle, le droit n’est qu’un outil aux services des entreprises, et s’inscrit parfois dans une mécanique juridique complexe qui la fascine autant qu’elle l’éveille. Ses yeux brillent lorsqu’elle raconte la fusion Suez-Veolia, qui a mobilisé plus d’une centaine de juristes et d’avocats. 

À la tête d’un collectif davantage que d’un cabinet, elle insiste sur le fait qu’August Debouzy n’emploie pas que des avocats, surtout dans son domaine, la technologie. Elle a une vision pluridisciplinaire de son métier. Après avoir passé le barreau de Paris, elle est partie à New York – y a repassé le barreau – et a œuvré quelques mois dans un cabinet américain. De retour en France, elle s'est laissé finalement tenter par Gilles August, l’un des deux fondateurs. Là, Mahasti Razavi travaille pour Microsoft, à l’heure où la tech explose. Un client dont elle s’occupe encore aujourd’hui. 

Des entreprises, elle en a vu pas mal, avec autant d’innovations porteuses que d’échecs cuisants. «C’est une chose que d’inventer mais c'en est une autre de vendre son idée.» Elle a travaillé sur les droits des premiers SMS en France, comme accompagné l’entreprise Palm dans ses derniers souffles français. «Mon rôle est de protéger le client, donc d’avoir la franchise de lui dire quand ça ne va pas marcher», ajoute-t-elle. Elle conseille à ses équipes d’être sensible au monde qui les entoure: «il faut repérer les signaux faibles et être un caméléon pour s’adapter à chaque entreprise ». Les directeurs juridiques passent, les avocats restent. Sa curiosité en est presque contagieuse, et elle reste critique vis-à-vis de l'apprentissage à la française, «pas à la hauteur», selon elle. «C’est une formation théorique de haut niveau, intéressante mais qui demanderait davantage de pragmatisme, pour mettre en œuvre concrètement les raisonnements, concède-t-elle. Et aussi apprendre à gérer le stress.» Pour rester calme et sage en toute circonstance. 

Parcours

1979. Fuit l’Iran pour venir en France. 

1994. Obtient le barreau de Paris. 

1996. Décroche le barreau de New York. 

1997. Intègre August & Debouzy. 

2017. Nommée managing partner.

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