Tribune
Les digital native vertical brands, ces marques nées sur le digital, sont nombreuses à avoir tiré leur épingle du jeu pendant le confinement, grâce notamment à une maîtrise de la logistique et de l’omni-canalité.

Le confinement, décidé dans de nombreux pays, a eu pour conséquence de fermer des pans entiers de l’économie, provoquant une transformation accélérée des comportements du consommateur. Si en France, la crise des Gilets jaunes ou les grèves avaient déjà initié certaines de ces tendances, le confinement vient les confirmer de manière plus définitive. Les achats dématérialisés vont s’ancrer plus que jamais dans les habitudes de consommation des Français. L’e-commerce, le streaming, qu’il s’agisse des plateformes de type SVOD comme Netflix (plus 100% de progression entre 2019 et 2020, et +50% de progression sur le seul mois de mars aux États-Unis) ou de musique, le gaming ou le fitness à la Peloton connaissent une explosion sans précédent.

Peloton justement incarne cette nouvelle génération de marques qui a pu gérer avec plus de souplesse cette crise sans précédent. Cette jeune pousse propose une option de paiement par abonnement mensuel qui inclut les cours et le matériel indispensable à la pratique de ces derniers : 85% des abonnés connectés à Peloton possèdent du matériel fabriqué par la marque et 58% de ce matériel est livré et installé par Peloton. Cette DNVB (digital native vertical brand) possède, donc, une excellente maîtrise de l'expérience, de la création de valeur et de la différentiation. L'entreprise de fitness connecté bénéficie d'un taux de rétention de 93%, comparable à celui de Netflix ou d’Amazon Prime.

Peloton attire les meilleurs talents des meilleurs studios de fitness pour enseigner exclusivement au sein de son écosystème. Ses coachs proviennent des concurrents directs comme Soul Cycle ou Equinox aux États-Unis. Peloton rémunère les instructeurs 500 dollars par cours (soit trois fois plus que Soul Cycle et neuf fois plus qu’Equinox) et leur accorde une participation au capital de l'entreprise, ce qui leur donne un intérêt direct dans la croissance de celle-ci. Même dans un monde déconfiné, avec moins de temps libre pour pratiquer des activités sportives à domicile, Peloton sera un acteur fort du vertical fitness : sa proposition de valeur est parfaitement appropriée au monde post-Covid-2019.

Distribution totalement intégrée pour Glossier

Même les consommateurs réfractaires à l’e-commerce ou à des services à distance ont pour beaucoup été obligés de tester des canaux d’achats dématérialisés et il est fort probable que ces comportements perdurent. D’ailleurs, les marques qui maitrisent aussi bien l’expérience e-commerce que la logistique, mais aussi l’omni-canalité sont celles qui tireront le mieux leur épingle du jeu. C’est le cas de Glossier, par exemple, qui est le prototype de la marque direct to consumer puisque sa distribution est totalement intégrée. Ainsi, Glossier a pris très tôt la décision de contrôler totalement la relation avec ses consommateurs. Ce modèle à la marque donne la maîtrise totale de ses données clients, qui peuvent être réutilisées dans des campagnes marketing ou d’acquisitions ; il offre aussi un avantage concurrentiel fort sur l’identification d’insights consommateurs et l’émergence de tendances.

Mais Glossier est bien plus que cela puisque ce cœur de compétence est l’ADN des DNVB. C’est avant tout une marque devenue iconique : on ne peut pas résister longtemps sur la verticale cosmétique si la marque n’est pas fortement ancrée. Sa fondatrice, Emily Weiss, avait compris très vite le bouleversement systémique de la relation entre les marques et les consommatrices dans l’industrie de la beauté. Instagram n’a fait que consacrer ce nouveau paradigme. C'est aussi une marque qui s'est construite sur quelques produits devenus emblématiques comme son best-seller, le Boy Bro, cire coiffante pour les sourcils, et qui s’est définie sur une vision de la beauté très épurée, comme le design de son flagship store de New York, qui a vu le jour en novembre 2018.

Des secteurs entiers bénéficient des tendances de consommation nées durant le confinement, avec plus de temps à soi. C’est le cas notamment du bricolage, de la cosmétique-beauté (les ventes en ligne de marque comme Sephora explosent en ce moment) mais aussi les équipements sportifs (pour pratiquer du fitness). Ces domaines d’activité se sont fortement ancrés dans le quotidien des consommateurs et l'on imagine mal qu'ils vont perdre de leur intérêt dans les semaines et mois qui viennent.

Positionnement durable pour AllBirds

AllBirds est l’une de ces marques qui a certainement confirmé sa place dans la vie des consommateurs. Cette marque néo-zélandaise D2C de chaussures casual est née en 2014 avec la volonté de fabriquer des produits parfaitement respectueux de l’environnement, à partir de laine mérinos, d’eucalyptus ou de canne à sucre. L’un de ses deux fondateurs, Tim Brown, ancien professionnel de football et international néo-zélandais, voulait créer une chaussure anti-ostentatoire après une carrière sponsorisée par Nike : on peut le comprendre car être footballeur au pays du rugby ne vous conduit pas directement vers la lumière. L’actualité d’AllBirds est riche : la marque se lance dans le segment de la performance avec sa première chaussure de course, la Dasher. Fabriquée à partir d'eucalyptus, de canne à sucre et de laine mérinos, c'est une chaussure de running totalement durable. Ces dernières sont traditionnellement fabriquées en plastique, ce qui a un impact considérable sur l'environnement, mais les nouvelles chaussures de course Allbirds «ont le potentiel d'aspirer plus de carbone de l'atmosphère qu'elles n'en produisent» : le slogan est fort !

Pour promouvoir la Dasher, Allbirds organise du 7 au 14 mai un défi de course de cinq kilomètres avec un don à la clé d'un dollar à World Central Kitchen pour chaque course enregistrée, l'objectif étant de récolter 50 000 dollars. Ce défi caritatif fait suite à d'autres efforts d’entraide, notamment la distribution de paires d'une valeur de 500 000 dollars aux travailleurs de la santé et le lancement d'une promotion «Buy One, Donate One» qui permettait, pour chaque paire achetée, d'en donner une autre aux personnels soignants. De nombreuses marques ont interrompu la commercialisation de nouveaux produits pendant la pandémie de coronavirus, mais pas AllBirds, dont la logistique efficace de DNVB aura permis de séduire de nouveaux consommateurs à ce moment propice du confinement qui aura révélé de nombreux coureurs à pied.

Toutes les DNVB ne sortiront pas gagnantes de la crise sanitaire présente. Certaines n’ont pas une offre produits dits de première nécessité mais paradoxalement, la période actuelle fait la part belle à des envies qui ne se réduisent pas à des besoins primaires. Ainsi, ces marques sont des modèles pour celles, plus installées, moins agiles, qui ont eu parfois plus de mal à faire face à cette crise. Elles deviennent des rivales sérieuses dans la consommation de demain, grâce au confinement, qui a provoqué une avancée de la transformation digitale «de deux ans en seulement deux mois» pour paraphraser Satya Nadella, CEO de Microsoft. Ces nouveaux modèles, plus responsables, plus souples, plus en phase avec les exigences de consommateurs engagés, ouvrent la voie à une nouvelle génération de DNVB.

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