TRIBUNE

[Tribune] Face à des Français pris entre la volonté d'une plus grande sobriété et une difficulté à accepter une dégradation de leur expérience avec les marques, le marketing relationnel a un rôle à jouer.

Cela n’a jamais été aussi concret que cet été. L’impact des activités humaines sur la planète se fait fortement sentir. Températures caniculaires dans des régions jusque-là plus tempérées, sècheresses, incendies, matières premières qui commencent à se raréfier… Ces conséquences, sévères pour notre quotidien, ne semblent plus réservées aux prochaines générations. Du concret, donc. Mais cela va-t-il engendrer des changements de comportements, de rapport à la consommation tout aussi palpables ? C’est la question que nous nous sommes posée, au sein de l’AACC Customer Marketing.

Nous avons voulu comprendre comment les attentes des Français évoluaient vis-à-vis des marques en termes de responsabilité sociale et environnementale, quels efforts ils étaient prêts, eux-mêmes, à consentir, et quelles étaient aussi les limites de leur engagement. Nous avons pour cela interrogé, via un sondage OpinionWay, un échantillon représentatif de 1 005 Français, âgés de 18 ans et plus, pour nous aider à imaginer les réponses que les entreprises et les marques devront leur apporter à travers leur marketing relationnel.

De façon assez surprenante, les efforts que les Français sont prêts à faire pour modifier leurs habitudes vis-à-vis des marques restent encore mesurés, et dans un système très transactionnel, «donnant-donnant». Comme si la promesse d’un bénéfice pour la planète ne suffisait pas à leurs yeux. 92% d’entre eux considèrent que le système le plus efficace pour les inciter à des achats plus responsables serait une récompense de la part des marques. Nous les avons aussi interrogés sur leur rapport à la durabilité de leurs équipements et seulement 43% d’entre eux seraient prêts à payer un abonnement à un service d’entretien et de réparation qui leur permettrait d’augmenter la durée de vie de ces équipements.

Nous nous sommes également intéressés au e-commerce et, si plus de la moitié des individus se disent prêts à renoncer à une livraison rapide dans un souci écologique, il reste encore un quart des Français qui ne souhaite pas modifier ses habitudes en matière de livraison. Trois sur cinq ne se déclarent pas non plus prêts à payer de supplément pour une livraison plus respectueuse de l’environnement. En somme, malgré l’impact de plus en plus évident des changements environnementaux, la plupart des Français ne se déclarent pas encore prêts, de leur côté, à changer leur comportement d’achat et leurs habitudes au quotidien.

Les jeunes sont-ils différents ?

Au fil de l’étude, on constate des écarts de réponse marqués entre les plus jeunes et le reste de la population. Ces derniers semblent plus enclins à faire des efforts que les plus seniors. 60% des 18-24 sont prêts à payer un surcoût d’entretien pour leurs équipements afin de réduire leur impact environnemental (contre 36% chez les 50-64 ans). De même, ils sont 56% à se déclarer disposés à payer leurs livraisons plus cher pour qu’elles soient plus respectueuses de l’environnement (alors que ce n’est le cas que de 37% des 50-64 ans).

On peut se réjouir de ces intentions positives, mais ces chiffres sont à mettre en perspective avec une tendance observée au fil de plusieurs études récentes, notamment dans les différents baromètres de l’Ademe, Les représentations sociales de l’effet de serre et du changement climatique et Les Français et l’environnement :

«Globalement, les jeunes, plus que les autres, déclarent qu’ils pourraient faire plus de gestes écoresponsables tels que faire du covoiturage ou de l’autopartage, acheter des produits de saison, des produits locaux, baisser la température de leur logement ou encore trier leurs déchets. En outre, si les moins de 35 ans se positionnent de façon plus exigeante en matière de qualité de l’air et se montrent plus partisans de mesures coercitives, ils restent significativement moins actifs au niveau des gestes concrets posés au quotidien (mauvaise pratique en matière de gestion des déchets verts, moins précautionneux et moins vigilants en matière de chauffage au bois, globalement moins impliqués dans les gestes d’économie d’énergie au domicile). L’écart est frappant entre la posture ambitieuse et exigeante de la jeunesse en matière environnementale et le déficit d’information de cette classe d’âge ainsi que la modestie de ses actions concrètes au quotidien.»

Comment les marques peuvent-elles mieux accompagner les Français ?

Les Français attendent très manifestement que les entreprises prennent en charge une partie de l’effort vers des actes plus responsables et qu’elles le traduisent dans leur marketing, en particulier dans leur communication relationnelle, ce qui représente bien sûr une opportunité pour les marques. Deux tiers des Français sont prêts à renoncer aux catalogues et à recevoir uniquement des offres par SMS (les moins de 35 ans et les parents sont les plus nombreux à se déclarer prêts).

Nous leur avons demandé s’ils seraient d’accord pour ne plus recevoir spontanément d’offres promotionnelles des marques (et que celles-ci les leur envoient uniquement à la demande). Le chiffre est frappant : les trois quarts se déclarent disposés à ne plus recevoir d’offres spontanées. Cela questionne évidemment les modèles promotionnels actuels encore très «push», mais cela ouvre aussi une possibilité de les réinventer profondément en donnant le choix aux gens de ne recevoir d’offres qu’à la demande. Avec la promesse d’une relation plus maîtrisée, en somme.

Le remplacement des cadeaux par des avantages non matériels est également un changement auquel les Français sont prêts (et pour un tiers avec certitude), ce qui me semble une bonne source d’inspiration pour les programmes relationnels du futur.

Le marketing digital, terrain de progrès

On constate une sensibilité croissante des Français à des pratiques digitales plus écologiques - 74% des interrogés se déclarent prêts à favoriser une marque avec un site et des pratiques digitales labellisés «moindre impact carbone» - quitte, et c’est nouveau, à ce que l’expérience soit un peu dégradée, avec moins de streaming, d’animations, de couleurs, de visuels. Là encore, ce n’est que déclaratif mais c’est un signal qu’il nous faudra observer de près.

Ce chiffre montre une nette accélération de la prise de conscience de l’empreinte écologique de nos usages digitaux. Lors de notre étude AACC-OpinionWay de janvier 2021, nous mesurions en effet que 55% des Français en avaient pris conscience. C’est aussi sur le terrain des contenus digitaux que les marques vont pouvoir prendre position. 81% des Français sont favorables à la suppression régulière des contenus en ligne sur les réseaux sociaux des marques. Ce chiffre est à prendre avec nuance car les 18-24 ans semblent plus réticents (seuls 68% y sont favorables, ce qui est significativement inférieur au reste de la population). Mais il est évident qu’une prise de position des marques quant au volume de contenus qu’elles produisent - doivent-ils nécessairement être pléthoriques et comment en avoir la juste quantité ? - pourrait être un sujet d’actualité des mois à venir.

Entre un discours favorable à une plus grande sobriété et une difficulté à accepter une dégradation de leur expérience avec les marques, les Français restent décidément paradoxaux. Toujours plus sensibilisés à une consommation responsable (et les jeunes plus encore que leurs aînés), ils ne semblent pas pour autant vraiment prêts à fournir des efforts qui altèrent significativement leur confort quotidien et attendent des marques qu’elles prennent en charge une grosse part de l’effort. L’art du marketing relationnel de demain va consister à démontrer aux utilisateurs que les entreprises ont engagé une démarche responsable et qu’elles les invitent à contribuer, eux aussi, même si c’est en douceur.

L’exemplarité des marques sera, c’est sûr, déterminante, notamment dans leur communication relationnelle. En montrant que cette pratique sait se réinventer, qu’elle a intégré l’enjeu de la durabilité, dans son rythme, dans son volume, dans son mode opératoire, dans les options plus «sobres» qu’elle peut proposer, on pourra assurément faire évoluer les esprits et augmenter la prise de conscience de changements de comportements dont nous ne pouvons, nous le savons tous, plus faire l’économie

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