TRIBUNE

[Tribune] L'avènement du métavers pourrait bien redéfinir profondément la manière dont les marques interagissent avec leurs clients. Encore faut-il régler un certain nombre de questions, comme celle de la formation des conseillers.

Depuis sa création, le métavers continue de faire débat. Sa définition et ses contours sont encore flous, et l’intérêt qui lui est porté demeure contrasté. Alors que plusieurs études et les récents chiffres de Meta démontrent un manque d’engouement du grand public pour les plateformes existantes, les plus grands événements tech - tels que le CES à Las Vegas - en font un sujet central. La Commission européenne elle-même s’en empare désormais aussi en annonçant une «initiative sur les mondes virtuels» pour le second semestre de 2023 pour aborder leurs futurs cas d’usage et, on peut le présumer, leur régulation.

Il n’en demeure pas moins que cet univers ouvre de nombreuses possibilités pour les fournisseurs de biens et de services. En offrant une immersion totale dans un univers virtuel où il est possible de sociabiliser, se divertir et - surtout - consommer, le métavers bouleverse les liens non seulement entre les personnes, mais également entre les marques et leurs clients. S’il est encore difficile de se prononcer sur son futur, la présence de grandes marques de retail et e-commerce en son sein en fait un nouveau canal pour la relation client, comportant son lot d’opportunités et de risques.

Conjuguer réel et virtuel, un vrai potentiel

De Carrefour à JP Morgan, en passant par Gucci et Nike, la ruée de certaines marques sur les principales plateformes du métavers que sont Decentraland, The Sandbox et Roblox prouve une chose : chaque espace disponible devient rapidement une opportunité commerciale et de consommation.

Ces acteurs économiques utilisent principalement le métavers pour y proposer des biens et des services virtuels purement liés aux avatars numériques. On peut dès lors argumenter que ce monde demeure clairement en-dehors de notre réalité, puisqu’il existe encore peu de jonctions entre le réel et le virtuel, ou peu d’applications ou de bénéfices tangibles du métavers sur le réel. Or, on peut ici prédire que l’intérêt de cet environnement ne pourra gagner en popularité que si son public en tire des bénéfices perceptibles dans la vie réelle, et non comme un seul échappatoire. L’absence de nouveaux services pertinents avait d’ailleurs fait retomber l’effervescence du métavers Second Life à la fin des années 2000.

Conjuguer le réel et le virtuel représente donc une vraie opportunité pour les entreprises qui souhaitent attirer leurs clients dans cet univers et les fidéliser au sein d’un nouvel espace d’échange et de consommation. Cela implique la mise en place de nouvelles stratégies en matière de relation client, faisant appel à de nouvelles approches, compétences et formations qui mettront au défi la créativité et la flexibilité des spécialistes.

Vers une transformation du conseiller client

Comme pour tout canal émergent, l’expansion du métavers - si elle a lieu - impliquera une approche différenciée de la relation client. Le développement de l’usage des canaux digitaux que sont les emails, les chatbots, puis les réseaux sociaux ont déjà amené les entreprises à repenser le rôle des conseillers clients. Il en sera de même avec le métavers.

On peut par exemple imaginer un conseiller qui, sous forme d’avatar, évoluera en temps réel au plus proche des clients. La possibilité de créer à la fois des interactions visuelles, vocales et écrites au sein d’un même espace enrichira les relations et exigera une approche holistique : en plus de solliciter les compétences numériques des conseillers, ces relations feront également appel à leurs aptitudes conversationnelles et comportementales.

Des changements, ou plutôt des ajouts, s’effectueront aussi au niveau du recrutement, qui devra privilégier des profils ayant une forte appétence pour le digital et une compréhension fine de ces univers si particuliers. La flexibilité des experts de la relation client à cet égard sera au premier plan : ils auront en effet un rôle crucial à jouer auprès des acteurs qu’ils accompagneront dans l’interaction avec leurs clients selon les nouveaux codes imposés par le métavers, et pour les guider dans la compréhension de ses services et opportunités. 

Ces évolutions seront captivantes à suivre. Elles n’arrivent cependant pas sans risques, et les professionnels de la relation client devront absolument maîtriser les enjeux de gestion des données personnelles et d’éthique comportementale, deux composantes qui peuvent conditionner le succès du métavers.

De nouveaux cadres à établir

Datas, éthique, organisation monopolistique… Comme toute innovation technologique impliquant directement entreprises et grand public, le métavers arrive avec son lot d’incertitudes. La première concerne les données des utilisateurs. L’anonymat est de moins en moins préservé sur internet, et il est probable qu’il devienne quasiment inexistant dans le métavers. La démultiplication des points de contacts virtuels signifie que la technologie et les algorithmes pourront aller loin dans l’utilisation des données utilisateurs.

Le traitement de ces informations peut sembler vertueux de prime abord, puisqu’il peut contribuer à la mise en place de relations hyper-personnalisées entre un client et une marque. La question de l’utilisation des données liées aux interactions dans un environnement généraliste se pose cependant. Une régulation stricte sur le contrôle et l’exploitation des données devra donc être mise en place, et les équipes en contact client devront être formées en conséquence.

La seconde pourrait émerger des contours des règles éthiques, qui ne sont pas encore bien définies dans le métavers. Cette question va devoir être rapidement prise en charge pour éviter d’éventuelles déviances de la part des utilisateurs, mais également des acteurs économiques. Les pratiques déviantes, voire malhonnêtes, et l’exploitation de zones grises dans les interactions commerciales sont autant de risques qu’il faudra savoir identifier et éviter.

Les aventures du métavers doivent donc être suivies de près par les acteurs de la relation client. Si des questionnements demeurent, on ne peut nier que ce nouvel univers ouvre un champ des possibles fascinant pour les interactions digitales qui fera appel à la créativité et à l’innovation des entreprises - le tout dans un cadre éthique et sécurisé.

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