Distribution

Dans la soirée du 17 janvier, les députés ont commencé l'examen d'une proposition de loi qui entend rééquilibrer le rapport de force entre les industriels de l'agroalimentaire et la grande distribution. Celle-ci brandit en retour un risque d'hyperinflation.

« Il revient de nous écarter du bruit et de la fureur », a plaidé Frédéric Descrozaille (groupe Renaissance), auteur de la proposition de loi, en ouverture des débats à l'Assemblée nationale, mardi 17 janvier, après plusieurs jours d'affrontements médiatiques tendus avec la grande distribution. Au cœur des débats : les négociations qui courent chaque année entre les grandes surfaces et leurs fournisseurs. Ces derniers proposent le 1er décembre des prix et des conditions de vente pour leurs produits, point de départ de discussions tendues jusqu'au 1er mars.

« Dans l'application actuelle du droit, faute de précision, l'échec des négociations annuelles n'interrompt pas le contrat (...) L'acheteur continue à passer commande, le fournisseur est obligé de le livrer, mais au tarif de l'année antérieure », a dénoncé le député qui entend changer ce rapport. Avec son texte, en cas d'échec des négociations, si le supermarché veut continuer à être livré par ce fournisseur, il devrait le faire selon les conditions générales de vente, y compris le prix, présentées par ce dernier. Les deux parties auraient une période d'un mois sous l'égide d'un médiateur pour s'accorder sur un préavis de rupture, ou sur une relance de contrat.

Le texte pourrait encore évoluer en séance publique, le député ayant lui-même déposé un amendement de réécriture, prévoyant une mesure d'expérimentation pour deux ans, et que l'échec des négociations se solde par la rupture de la relation commerciale. Le ministre de l'Économie Bruno Le Maire a estimé lundi que la proposition « partait d'une bonne intention » mais « devait être retravaillée ».

Mardi dans l'hémicycle, le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau a souhaité des « ajustements » en faveur d'une « juste rémunération des agriculteurs et des entreprises agroalimentaires ». Alertant contre toute mesure « inflationniste ou déflationniste », il s'est montré favorable à un cadre pour que les parties puissent s'entendre sur un préavis de rupture « sans qu'aucune des parties ne soit tenue, comme c'est le cas actuellement ».

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​​​Reste que la proposition de loi est un véritable casus belli pour l'ensemble de la grande distribution, qui dénonce une disposition qui alimenterait « dramatiquement et durablement » l'inflation. L'Ilec, institut de liaisons des industries de consommation représentant de nombreux industriels (comme Nestlé, Danone ou L'Oréal) est accusé par la grande distribution d'être à l'origine du texte.

« Aucune enseigne de commerçants ne pourrait s'opposer à des augmentations de tarifs de 10 à 30% » avec cette proposition de loi, s'était indigné Michel-Edouard Leclerc, révélant des hausses de tarifs demandées à ses magasins par certains industriels comme Mondelez (+17%) ou Unilever (+25%).

« Le consommateur va devoir payer plus cher ? (Les enseignes) se font tellement la guerre que vous verrez qu'on n'aura pas une inflation galopante », rétorque le député MoDem Richard Ramos. « Il faut que la grande distribution prenne sa part, pour prendre un peu moins de bénéfices, et pour pouvoir construire une société plus juste ».

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Mardi soir les députés du Rassemblement national ont proposé sans succès une motion de rejet préalable, reprochant aux députés Renaissance de vouloir créer « un monstre, un pouvoir contractuel exorbitant donné aux multinationales pour affronter (leur) ancien monstre, le pouvoir de marché exorbitant (...) de la grande distribution », selon les mots du député Jean-Philippe Tanguy, qui a dans le même temps reconnu de bonnes mesures dans le texte.

Autre point sensible de cette proposition de loi : l'application du droit français aux centrales d'achats que les enseignes de la distribution ont basées en Europe, pour contrer une « évasion juridique ». Il prévoit également de plafonner les pénalités logistiques infligées par un distributeur à son fournisseur en cas de livraison incomplète ou trop tardive à 2% de la valeur des produits commandés, et de prolonger l'encadrement des promotions et le seuil de revente à perte.

À gauche, les écologistes voteront pour le texte, « timide » mais qui « va dans le bon sens », selon la députée Marie Pochon qui défendra un amendement pour plus de transparence sur les marges des distributeurs. Les socialistes partent avec un a priori favorable mais réservent leur position de vote à ce stade, tout comme les communistes. Les insoumis devraient s'abstenir.

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