Communication politique
Le confinement annoncé par Emmanuel Macron a été soigneusement anticipé par les médias avec le concours plus ou moins officieux de messagers politiques. Une technique de communication politique qui permet de s'habituer avant l'heure à la brutalité d'une décision.

Quatre, cinq, six semaines… ? Avec ouverture des écoles, collèges et lycées ? Avec fermeture des restos et boutiques, mais maintien des commerces alimentaires et services publics ? Si vous n’êtes pas surpris en lisant ces lignes, c’est que le discours d’Emmanuel Macron est venu en quelque sorte valider ce qui a été égrainé au cours de dernières 24 ou 48 heures sur de nombreux médias, BFMTV en tête. Certes, il y avait quelques arbitrages à faire, dans la gravité de la charge présidentielle, à l’heure d’un retour très alarmant de l’épidémie (527 morts sur la seule journée du 27 octobre). Mais, dans les grosses lignes, comme il fut dit mercredi 28 octobre par Ali Baddou sur France Inter, les médias ont entrepris de dire aux Français «à quelle sauce on va être mangé»

A la différence du premier confinement, qui fut précédé de l'annonce de la fermeture des écoles et lycées dans la solennité toute jupitérienne d'une allocution présidentielle, le second a eu recours à de nombreux messagers ou ministres plénipotentiaires pour préparer les esprits. « Il faut s'atttendre à des décisions difficiles », prévenait le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin. Mercredi, le haut-commissaire au Plan, François Bayrou, se prononçait sur France Inter « contre un reconfinement généralisé » avec ouverture de Ehpad, des lieux de travail et des  écoles incluant des « demi-groupes dans les lycées ». De son côté, le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, indiquait après le conseil de défense de mercredi que cela se jouait entre «élargissement du couvre-feu » et « reconfinement territorialisé ou national ». Des députés ont aussi entendu en commission des lois des hypothèses de confinement à cinq ou six semaines. « Le sentiment qu’on a, c’est que ça va durer quelques semaines et que le gouvernement essaie de trouver les moyens de préserver les écoles, les services publics » exprimait de son côté François Baroin, président de l'Association des maires de France, rapporte Le Monde. Et ce, afin « de maintenir un semblant de vie économique pour éviter une catastrophe ». 

Un reconfinement sur une ligne de crête

Cette technique préparatoire de l'opinion est-elle judicieuse ? C'est la question que nous avons posée à Thierry Herrand, qui enseigne la communication publique à Sciences Po. S'agit-il de ballons d'essai pour sonder les consciences et ajuster le dispositif de décision au dernier moment en fonction des outils de « social listening » dont dispose le Service d'information du gouvernement (SIG) ? L'expert ne peut pas le croire : « L'accélération de la pandémie a déstabilisé l'exécutif qui est catastrophé par les chiffres même si Olivier Véran le disait depuis quelque temps, dit-il. Face à un tsunami, la seule chose qui compte, c'est comment le stopper. Il y a une grande inquiétude au plan sanitaire comme le montre le sondage Harris Interactive qui la situe à plus de 85% et je suis convaincu que l'acceptabilité d'un confinement généralisé est plus forte qu'on ne le croit ». 

Avant le premier confinement, qui reste associé à la solennité d'un discours martial, l'idée est cette fois de se montrer réactif tout en consultant et en apparaissant plus délibératif. Il s'agit donc de faire passer l'idée d'un reconfinement qui préserve la santé des plus fragiles mais n'entrave pas l'économie. « La doctrine est de se tenir sur une ligne de crête entre économie et sanitaire, mais on sait aussi qu'on va tomber de la crête », conclut Thierry Herrand, « cela met  tout le monde sous pression car on fait du stop and go jusqu'au vaccin ». Pas de quoi lever la grande défiance vis-à-vis de la parole gouvernementale et présidentielle.

Mise à jour jeudi 29 octobre : l'allocution d'Emmanuel Macron a été regardée par 32,7 millions de téléspectateurs toutes chaînes confondues, mercredi 28 octobre, soit 93,6% de part d'audience, selon Médiamétrie. En comparaison, l'allocation présidentielle du 13 avril avait été suivie par 36,7  millions de téléspectateurs et celle du 13 mars, dans laquelle il avait annoncé le premier confinement, par 35,4 millions de Français.

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