Télévision
Neuf mois après son autorisation, la publicité segmentée trouve peu à peu sa place dans les écrans publicitaires des chaînes, même si de nombreux défis restent à relever pour massifier son usage.

Les téléspectateurs ne s’en sont pas rendu compte mais depuis le début de l’année, une bonne trentaine de campagnes de publicité segmentée ont déjà été diffusées à la télévision en France, pour des annonceurs aussi variés que Lacoste, Domino’s Pizza, Sofinco, Meetic ou encore l’Office de tourisme de la Corrèze. « On note un intérêt assez fort des annonceurs, notamment locaux, qui y voient un levier audiovisuel qu’ils n’avaient pas jusque-là car le ticket d’entrée de la télévision nationale est trop élevé pour eux », estime Laurent Bliaut, directeur général adjoint marketing et R&D à TF1 Pub.

Depuis janvier, la régie du groupe TF1 a diffusé une douzaine de campagnes de ce type et entre 25 et 30 sont en préparation pour les semaines qui viennent. Parmi elles, une pour l’Office du tourisme de la Corrèze, qui a voulu communiquer en télévision auprès des seuls habitants d’Île-de-France.

Absents en télévision

À FranceTV Publicité, qui avait été la première régie à substituer des spots à l’automne 2020, le rythme de diffusion est aujourd’hui d’une dizaine de campagnes par mois, deux fois plus qu’au premier trimestre. « 70% sont liées à la géolocalisation, chiffre Thomas Luisetti, directeur de la stratégie numérique et de l’innovation technologique. Il s’agit en grande partie d’annonceurs locaux qui étaient absents ou peu présents en télévision jusque-là », comme Cafés Reck en Alsace ou le promoteur In'Sitom en Nouvelle-Aquitaine.

Du côté de M6 Publicité, qui a signé 10 campagnes, dont une première diffusée en mars pour Domino’s Pizza, il s’agit surtout d’annonceurs télé déjà bien installés, qui recherchent des compléments de couverture. La moitié des campagnes utilisent la géolocalisation, comme dans le cas de Domino’s Pizza, qui a voulu diffuser, avant une campagne nationale, des spots en Île-de-France, région très concurrentielle. Grâce aux données des box, il sera à terme possible de descendre jusqu’au quartier en matière de ciblage, via le code Iris de l’abonné.

Autre possibilité, un ciblage selon des données socio-démographiques, par typologie de foyers ou par habitude de consommation TV. Lacoste s’est par exemple adressé aux seuls 15-49 ans, pour limiter la déperdition, Meetic, aux femmes célibataires de 25 à 49 ans, et Red Bull, aux petits consommateurs TV. D’autres ciblages sont annoncés par les régies pour les prochaines semaines, comme les amateurs de sport, les propriétaires immobiliers ou les consommateurs de SVOD.

Reste que pour atteindre une audience suffisante sur un ciblage très fin, il faudra faire grossir le parc de box ouvertes à la publicité segmentée. « Aujourd’hui, c’est un handicap qu’il y ait si peu de reach », admet Hortense Thomine-Desmazures, directrice générale adjointe en charge du digital à M6 Publicité. Seul Orange a ouvert ses box à la publicité segmentée, pour les abonnés qui ont donné leur accord (opt-in), soit 2 millions de box à date. Malgré des accords avec TF1 Pub, FranceTV Publicité et M6 Publicité, Bouygues Telecom se lancera seulement en juin, avec un parc de 1,8 million de box.

Utiliser de la donnée tierce

De son côté, SFR et ses quelque 800 000 box éligibles avec opt-in a seulement un accord avec la régie maison, Altice Media Ads & Connect, qui s’est lancée en mars. En plus de campagnes de géolocalisation pour des actifs du groupe - SFR sur la 5G et RMC -, la régie permet aux annonceurs d’utiliser de la donnée tierce. Sofinco a ainsi pu cibler sur BFMTV des consommateurs qui avaient contracté un financement dans une enseigne partenaire, grâce aux données CRM de l’organisme de crédit. Même chose pour Peugeot, avec l’utilisation du fichier des plaques d’immatriculation pour cibler les acheteurs de véhicules utilitaires. « Nous avons été surpris de recevoir autant de demandes de campagnes avec de la donnée tierce. Nous sommes aujourd’hui les seuls à proposer ça », indique Raphaël Porte, directeur de la régie.

Des discussions sont en cours au syndicat des régies télé (SNPTV) pour ajouter cette brique au sein de toutes les régies. Parmi les possibilités, un accord avec un acteur de la distribution, comme Fnac-Darty ou RelevanC. « Nous irons collectivement. Que ce soit de la donnée first party ou tierce, nous voulons que toutes les cibles soient proposées par toutes les régies de façon homogène. Ça doit être simple pour les acheteurs », insiste Thomas Luisetti.

Autre enjeu, celui de la mesure d’audience de ces spots et surtout de leur efficacité. « Les annonceurs nationaux veulent des preuves d’efficacité. C’est une condition sine qua non pour que ce marché décolle vraiment », estime Hortense Thomine-Desmazures. Sur ce sujet, le SNPTV discute notamment avec Marketing Scan, pour chiffrer l’impact de ce type de campagnes sur les ventes en magasin, un projet qui pourrait aboutir fin 2021 ou début 2022.

Le prime time bientôt adressé

Les régies ne peuvent pour l’instant pas commercialiser les espaces de prime time, ni substituer plus d’un spot par écran, pour des raisons techniques. D’ici à la fin de l’année, Orange devrait lever une à une ces contraintes, suivi de Bouygues début 2022. Des accords devraient aussi finir par arriver entre les régies et les opérateurs SFR et Free. Lentement, mais sûrement, la publicité segmentée se fait une place en France, alors que le SNPTV chiffre à 200 millions d’euros (en plus) ce marché à moyen terme.

Suivez dans Mon Stratégies les thématiques associées.

Vous pouvez sélectionner un tag en cliquant sur le drapeau.