Face aux géants américains, la plateforme de streaming d’origine suédoise Viaplay a réussi à s’imposer dans les pays scandinaves et ne compte pas s’arrêter là. Canal+ vient d'annoncer son entrée au capital.

Inconnue, Viaplay ? À condition de regarder le marché strictement hexagonal. Lancée en Suède en 2007, cette plateforme de streaming constitue un exemple parlant d’un acteur local ayant réussi à percer sur son terrain. Elle s’y place deuxième derrière l’ultradominante Netflix, avec plus de 35 % d’habitants abonnés au troisième trimestre 2022, selon l’Observatoire de la vidéo à la demande du CNC, paru fin janvier. Une rareté en Europe.

Plus largement, elle est présente dans plus du tiers des foyers scandinaves (Suède, Norvège, Finlande, Danemark) et également à l’international, avec ses propres services ou via des distributeurs, dans une vingtaine de pays, dont le Royaume-Uni depuis fin 2022. À noter que Canal+ est son partenaire en Autriche. « Elle comptait 6,4 millions d’abonnés au troisième trimestre 2022 contre 3,6 millions un an plus tôt », poursuit Gilles Pezet, responsable du pôle économie des médias numériques au sein du cabinet spécialisé NPA Conseil. Sur ce nombre, quelque 2 millions se trouvent hors de la Scandinavie, surtout en Pologne et aux Pays-Bas. Toutes proportions gardées, « elle ambitionne de se positionner en alternative de Netflix », pose Sophie Girieud, consultante spécialisée cinéma et vidéo à la demande du cabinet d’études Hexacom. En nombre d'abonnés, c'est hors d'atteinte. Mais pour ce qui est de sa croissance, elle a de quoi rivaliser.

Son positionnement ne connaît pas d’équivalent en France. Il s’agit au départ d’une plateforme de télévision de rattrapage, qui s’est par la suite étoffée. Outre des séries et des films, elle met l’accent sur le sport. Sa première botte secrète. « Elle possède des droits sportifs y compris premium, comme, en Suède, les droits de la Premier League anglaise de football », note Gilles Pezet. Aux Pays-Bas, la patrie du champion du monde Max Verstappen, elle diffuse de la Formule 1. Sa tarification s’en inspire d'ailleurs : ses formules ne dépendent pas du nombre d’écrans choisi mais montent en fonction des contenus sportifs auxquels l’utilisateur souhaite accéder. Côté fiction, elle creuse le sillon du polar nordique, autre moyen de se différencier. Soumise à des « quotas » de contenus locaux au titre de la directive SMA [Services de médias audiovisuels], elle s'appuie, pour les atteindre, sur ses studios de production.

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Son modèle économique repose sur l’abonnement. Pas de publicité pour le moment : cette diversification arrive plutôt chez les acteurs assez matures et Viaplay dispose encore d’une marge de conquête de nouveaux abonnés. « Le streaming représente la principale source de revenus (47 %) du groupe », complète Sophie Girieud. Sa maison mère Nent Group (Nordic entertainment group), qui dépassait le milliard d’euros de chiffre d’affaires en 2021, s’est d’ailleurs rebaptisée Viaplay il y a moins d’un an.  

La société lorgne vers l’international, où sa vitesse de croisière est plus rapide qu’annoncé. Elle devrait être accessible aux États-Unis cette année, non plus via des distributeurs, Comcast et Roku, mais en propre. L’Allemagne et la Suisse seraient également dans les tuyaux pour 2023, selon le CNC. Autrement dit, elle se rapprocherait des frontières de la France, pour laquelle elle n’a, du moins pour l’heure, pas exprimé de projet.