Portrait

Le directeur général de Konbini, Irakli Lobzhanidze, 34 ans, est ancien banquier d’affaires de Rothschild. Mélange de diverses cultures, il s’attache à rendre son média incontournable.

À peine arrivé, il vous tutoie sans vous connaître. En russe, le vouvoiement s’imposerait, mais c’est pour Irakli une commodité qui lui permet de gagner du temps. Même si cela lui joue parfois des tours : « Je peux dire ‘je me casse’à la place de ‘je m’en vais’ », sourit-il. Mais c’est ainsi qu’il a appris le français, entre 2008 et 2009, alors qu’il est intégré à l’ESCP, via un partenariat de la Higher School of Economics de Moscou (HSE). L’étudiant regarde alors assidument le Grand Journal, sur Canal+, pour s’imprégner de notre langue.

Aujourd’hui, il dirige un média qui a retrouvé les profits, assure-t-il, avec une vingtaine de millions d’euros de chiffre d’affaires et 170 salariés. Konbini, qui se lance en mars sur 6Play, affiche 3,1 milliards de vues en 2022. La moitié de ses revenus viennent du brand content, un quart du display et du partage de recettes avec les plateformes et un quart de son agence créative intégrée B to B (on lui doit Sosh pour Orange par exemple). Quand on se souvient que la plateforme des 15-25 ans perdait plusieurs millions d’euros avec ses filiales à l’étranger, à son arrivée, on peut dire que Konbini revient de loin. Vice France, qui vient de s’arrêter, et Buzzfeed ne peuvent pas en dire autant.

Il faut dire qu’Irakli est un subtil mélange d’intelligentsia et de rébellion. Lorsque les fondateurs David Creuzot et Lucie Beudet le recrutent en 2018, c’est pour développer l’international. Mais lui décide d’y renoncer et de diversifier son modèle. Ce fils de médecin et d’une chimiste-biologiste sait que tout peut très vite changer : à quatre ans, il a dû quitter son Abkhazie natale, en Géorgie, pour se réfugier à Sotchi. Son père, pour le préserver, lui interdit de devenir journaliste. Ce sera donc le commerce, plus sûr. D’abord, après l’ESCP, au Crédit agricole (CIB) où il lui arrive de jouer les intermédiaires sur un dossier Total, en Russie. Puis à Rothschild où il travaille jour et nuit, à New York ou Paris, sur Alstom comme sur Saint-Gobain. « Si je considère que j’ai un mot à dire, je le dis », raconte cet audacieux qui sait aussi que la vie en banque d’affaires peut être « émotionnellement compliquée ».

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Son arrivée à Konbini, il la doit à un dîner avec les fondateurs et son ami banquier Sébastien Proto (Société Générale). « Cela m’a permis de revenir à ce que j’ai toujours rêvé de faire », souligne-t-il. Désormais, il se félicite d’un marché vidéo français en plein essor du fait des influenceurs, de l’innovation qui s’y déploie et de sa rédaction d'une quarantaine de journalistes. En partenariat avec Franceinfo, Konbini a interviewé Emmanuel Macron et, en solo , la plupart des candidats à la présidentielle en 2022. « S’il y a un média plus à gauche, il faut me le dire », soutient-il, en référence au positionnement libertaire-culturel de Konbini. Quant à son actionnaire controversé, la famille Perrodo, dont la compagnie pétrolière Perenco a été accusée d’évasion fiscale et de corruption, « elle n’a jamais mis son nez dans Konbini », prévient-il.

Dates clés

25 juin 1988. Naissance à Sukhumi en Abkhazie (Géorgie).

Septembre 1992. Se réfugie à Sotchi en Russie.

2009. Diplômé de Higher School of Economics à Moscou. Entrée à l’ESCP, à Paris.

2012. Banquier d’affaires chez CA-CIB.

2014. Banquier d’affaires chez Rothschild.

2018. Directeur du développement puis, en 2020, directeur général de Konbini.

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