Médias

Attaquant une nouvelle phase de son développement, et bousculé sur son marché, Netflix n’exclut plus la mise en œuvre de publicité sur sa plateforme. De quoi à la fois enchanter et interroger les annonceurs.

Rien qu’une question de mathématiques ? « Sur tous les marchés, quand les leaders arrivent en position de cogner l’asymptote, la question de diversifier le modèle d’affaires se pose à eux », déclare Nicolas Reffait, associé du cabinet de conseil en management et technologie BearingPoint. Voilà pourquoi Netflix, qui compte plus de 220 millions d’abonnés dans le monde aujourd’hui, a laissé en avril une porte ouverte pour l’introduction de publicité sur la plateforme, à rebours du modèle qui a fait son succès jusqu’à présent. L’annonce arrive alors que le géant du streaming a, pour la première fois au premier trimestre 2022, perdu 200 000 abonnés. En parallèle, l’usage des plateformes, depuis l’essoufflement de la pandémie, revient à la normale, et la concurrence sur le marché de la SVOD devient de plus en plus féroce. Comme le recrutement de nouveaux abonnés atteint à un moment un plafond et que le levier de l’augmentation des prix avait déjà été activé, il a fallu trouver autre chose. D’autant que Netflix est confronté à un autre problème avec ces millions de foyers : une centaine, selon lui, utilisent des codes prêtés et ne paient pas le service. En France, c’est la plateforme où les codes sont le plus partagés en dehors du foyer, à 36 %, selon l’étude Submix de BearingPoint sur les abonnements des foyers aux offres culturelles numériques payantes, sortie en avril.

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Sécurisation du parc d'abonnés

Si pour Netflix, la publicité serait un bouleversement, ce ne serait pas une première sur le marché. Beaucoup de plateformes, comme Hulu ou HBO Max, proposent des offres avec publicité. Disney+ y réfléchit aussi. Reste que, pour l’entreprise de Reed Hastings, les défis seraient nombreux, à commencer par la sécurisation du parc d’abonnés actuel. « L’enjeu est de bâtir une offre non appétente pour le portefeuille actuel mais appétente pour les autres », explique Nicolas Reffait. Ce qui passe notamment par proposer des services non accessibles dans les autres formules (4K…). Netflix devra aussi faire en sorte de garder son positionnement premium, par exemple en veillant à la qualité des publicités et à l’encadrement du nombre d’interruptions. « HBO a promis au maximum 4 minutes par heure », compare David Bishop, associé au sein du cabinet de conseil en stratégie LEK Consulting. Quitte, par ailleurs, à aller jusqu’à sélectionner les annonceurs ? La plateforme aurait, du moins, intérêt à éviter des créas ou marques qui ne sont pas en phase avec sa ligne éditoriale. Facile à dire mais moins à opérer.

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Agacement

Du côté des consommateurs, une certaine habitude, donc, existe déjà. Même si cela ne suffirait pas à faire accepter les messages de marques. Ainsi, des tests menés en 2018 par Netflix avaient révélé des internautes agacés par des promotions de contenus « maison ». Mais le marché a sensiblement changé de visage depuis et les usages se sont modifiés. Au final, pour les annonceurs, la nouvelle apparaît plutôt (très) bonne. « Cela permettrait d’accéder aux consommateurs les plus jeunes qu’on ne peut pas toucher à la télévision », indique David Bishop, et d'accéder à un environnement de qualité. En revanche, le niveau de ciblage des audiences qui serait possible reste inconnu. Les formats devraient rester suffisamment non intrusifs pour ne pas irriter.

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