TRIBUNE

Face à l'épuisement des ressources, l'industrie de la communication a un rôle à jouer dans le mouvement vers un digital plus sobre, sans que cela ait un impact sur l'expérience utilisateur.

Dans nos métiers du digital, nous devons jongler avec des contraintes « externes » de plus en plus prégnantes, qui dépassent le simple stade des fonctionnalités. Ces dernières années, nous avons dû, et c’est une bonne chose, adapter nos sites pour rendre plus explicite la gestion des données personnelles (RGPD) et pour les rendre accessibles aux personnes en situation de handicap (RGAA). Cela a dû se faire tout en conservant le design, la performance, la compatibilité avec les différents navigateurs, le SEO… Et un site qui fonctionne ! Il est nécessaire aujourd’hui d’aller plus loin en rendant nos sites écoresponsables mais cette fois, l’effort ne sera pas si important pour obtenir de premiers beaux résultats.

D'autres industries que la nôtre ont déjà su se réinventer pour être plus sobres. L’industrie automobile développe des moteurs à moins d’un litre au 100 km ou (ré)invente le moteur électrique ; le secteur du bâtiment développe des matériaux isolants toujours plus performants ; l’architecture réoriente les bâtiments pour profiter de l’énergie du soleil... Pourtant, soutenu par la loi de Moore, nous aurions pu être à la pointe de l’éco-conception.

Comment expliquer dans ce cas que la consommation énergétique du digital ne cesse d’augmenter ? Si internet était un pays, il serait le troisième plus gros consommateur d’électricité au monde avec 1500 TWH par an, derrière la Chine et les États-Unis, et cette consommation double tous les quatre ans. Dans l’économie actuelle, au niveau mondial, ainsi que l’ont illustré Jean-Marc Jancovici et The Shift Project, le PIB est corrélé quasi-linéairement à la consommation d’énergie. Si cette corrélation se poursuivait dans un monde aux ressources limitées, nous finirions par épuiser les ressources et par polluer toujours plus, en particulier en CO2, selon le principe entropique de la thermodynamique contre lequel on ne peut légiférer.

Notre industrie peut grandement participer à cette décorrélation. Les hébergeurs et les opérateurs réseaux sont déjà engagés dans l'optimisation énergétique et la réduction de leur rejet de CO2. L'optimisation encore possible aura lieu essentiellement sur nos sites et dans les navigateurs de nos ordinateurs. Il semble donc opportun de se poser les questions suivantes : est-il utile de télécharger entièrement une vidéo ou une image alors que l’utilisateur n’a pas encore scrollé jusqu’à sa zone d'affichage ? Est-il pertinent de transmettre une image en 8K telle qu’elle a été contribuée en back office et de laisser le navigateur la réduire à la taille finale ? Faut-il que tout bouge sur une page web ? Si c’est le cas, vers quoi l’œil sera-t-il attiré ?

Des améliorations déjà disponibles

Il est d’ores et déjà possible d’être plus sobre sans que rien ne change quant à la qualité de l’expérience utilisateur. D'abord configurons nos serveurs web pour utiliser le format WebP ; cela représente 30% à 70% d’économie de poids sur les images et c'est configurable en moins d’une demi-journée sans réels impacts visuels. Ensuite, hébergeons nos sites en France ; c’est six fois moins d’émissions de CO2/Kwh qu’en Allemagne et cela ne nécessite que quelques jours de travail pour la plupart des sites, tout en étant invisible pour les utilisateurs. Ne chargeons les vidéos, compressées en WebM, qu’après un lancement demandé par l’utilisateur ou qu’en lazy loading ; ce sont des dizaines de mégaoctets économisés sur le réseau. Enfin, passons au HTTP/2 : c'est faisable en quelques minutes seulement et cela améliore la vitesse et les KPI de Google Page Speed.

N’attendons pas une éventuelle législation pour réduire, enfin, l’empreinte carbone numérique de nos sites internet. Faisons le nécessaire pour que rien ne change pour l’utilisateur mais que tout change pour les émissions de CO2.

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