La Coupe du monde de rugby 2023 n'est pas seulement un terrain d’affrontement pour les rugbymen, c’est également un champ de bataille féroce pour les marques et l'identité des nations. Le match d'ouverture France-Nouvelle-Zélande en sera une criante démonstration.

D'un côté, se dresse l'hémisphère nord, avec une approche du branding profondément enracinée dans la tradition utilisant des symboles intemporels comme le trèfle (Irlande), la rose (Angleterre), les lauriers (Italie), le coq (France) et le chardon (Écosse). Ces icônes, bien que simples, évoquent une puissante identité nationale et culturelle. Elles sont l'héritage de l’histoire. Ainsi, la rose, symbole de l'Angleterre et de la royauté, puise ses racines dans la guerre des Deux-Roses qui opposa la maison des Lancaster à celle des York au XVe siècle.

De l'autre côté du globe, l'hémisphère sud embrasse, quant à lui, une culture de marque plus audacieuse et plus directe comparable aux franchises de sport US. En effet, au-delà du symbole, c’est avant tout par le nom que ces équipes se démarquent : les All Blacks (Nouvelle-Zélande), les Pumas (Argentine), les Wallabies (Australie), les Flying Fijians (Fidji) et les Springboks (Afrique du Sud).

Ces noms d’équipe sont surtout devenus des marques à part entière qui véhiculent tout un imaginaire renforcé par la représentation graphique des symboles pour la plupart animaliers. Et quand on parle des All Blacks, l’univers de marque s’avère éminemment fécond avec un storytelling savamment entretenu, depuis l’origine du nom («They are all backs») jusqu’au haka et à la couleur légendaire des maillots. Ce territoire unique est d’ailleurs intelligemment décliné sur les autres équipes de rugby avec les Black Ferns pour les féminines et les All Blacks Sevens pour le rugby à 7.

Pourrait alors se poser la question : pour une équipe nationale, le nom est-il plus important que le symbole ? Le cas de l’équipe de France de rugby est intéressant à double titre. Si les joueurs portent fièrement le coq sur leur cœur comme d’autres équipes tricolores, ce n’est pas n’importe quel gallinacé : c'est celui qui était porté par la toute première sélection française en 1905. C’est déjà un premier marqueur de différenciation. Le second, c’est le nom, car l’appellation «XV de France» qui leur est directement attribuée leur confère un caractère affectif naturel dont ne dispose aucune autre équipe du sport français. Cet attribut identitaire est clairement une force sur laquelle la fédération capitalise avec le développement important sur les marques «XV de France masculin» et «XV de France féminin».

Une tension plus profonde

Ce choc des cultures dans l’approche branding n'est pas anodin. Il reflète une tension plus profonde entre tradition et modernité, entre un respect du passé et une envie légitime d'innover. Si l’appellation «Red Roses» est devenue la marque officielle de l’équipe féminine anglaise de rugby à XV, les Argentins sont allés encore plus loin en préservant le puma pour l’équipe masculine et en développant le jaguar pour les féminines. Deux félins, deux symboles, deux appellations, pour exprimer l'état d'esprit agressif du rugby argentin au sein d'une même fédération.

Cette Coupe du monde 2023 ne se mesurera pas uniquement en termes de victoires et de défaites sur le terrain, mais aussi dans la manière dont les équipes nationales réussiront à engager leurs partenaires et à inspirer leurs fans. Les emblèmes portés par les joueurs ne sont pas de simples logos. Ils incarnent des valeurs et des cultures. Ils définissent des identités, des caractères, des mentalités singulières qui participent autant à la riche dramaturgie de la compétition qu'au développement des marques nationales dans une mêlée concurrentielle toujours plus disputée.

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