Alors que se tiennent actuellement les Etats généraux de l’information, la question du financement de l’information devient de plus en plus épineuse. Une solution reste sous-exploitée : l’IA.

Les médias d’information le redoutaient, c’est arrivé : pour la première fois en 2023, leurs revenus publicitaires digitaux se sont mis à baisser, selon l'Observatoire de l'e-pub du SRI et de l'Udecam. La chute (- 6%) s’avère d’autant plus préoccupante que le marché de la publicité digitale, lui, progresse de 9%.

Pourquoi ce décrochage ? Bien sûr, parce que les Gafam concentrent, selon les années, 80% à 90% des investissements publicitaires. Rien de neuf de ce côté. Mais cette quasi-hégémonie n’empêchait pas, jusqu’à présent, les acteurs de la catégorie «Info & Edition» de récupérer, au moins, une part du gâteau. Pourquoi cette part se réduit-elle aujourd’hui, alors que les sites médias continuent de réaliser des audiences plus qu’honorables ? Car l’intérêt pour l’information reste fort : 96% des Français lisent chaque mois au moins une marque de presse, dont 68% en version digitale, selon l'ACPM.

Seulement, ces audiences restent insuffisamment valorisées : il n’existe aujourd’hui aucun standard systémique permettant aux sites médias de mesurer l’impact d’une campagne publicitaire de manière aussi précise et fiable que ce que proposent les «walled gardens». Mais ce qui pénalise, par-dessus tout, ces sites de contenu reste leur manque d’inventaire vidéo monétisable : même si les grands médias d’information ont investi dans ce domaine, leur production ne peut rivaliser avec celle des plateformes. Or, parmi les formats publicitaires, la vidéo domine de plus en plus largement : elle a encore progressé de 11% cette année, et représente désormais plus de 50% du total de la publicité digitale, d'après l'Observatoire de l'e-pub. 

Résultat : pas (ou pas assez) de contenu vidéo, pas de revenus publicitaires. Mais produire des vidéos de qualité reste coûteux, en produire suffisamment pour rivaliser avec les plateformes de streaming devient simplement impossible. Même pour de grandes marques médias à forte audience.

Comment alors les sites d’information peuvent-ils résoudre l’équation, et ne pas se résigner à laisser filer les budgets publicitaires ? Les Etats généraux de l’information, qui se déroulent actuellement dans toute la France, doivent donner lieu à des propositions de loi d’ici l’été : les professionnels réclament notamment l’obligation, pour les annonceurs, de confier une part de leurs investissements publicitaires aux sites producteurs d’information.

Allier IA et contenus vidéo, pour créer des espaces publicitaires pertinents

Une autre voie, moins réglementaire mais sans doute aussi efficace, mérite d’être explorée : celle de la data, et plus précisément celle de la vidéo alliée à la data. Pour faire simple, il existe des outils d’analyse sémantique, basés sur l’IA, capables de «comprendre» le contenu d’un article. Ce même outil peut alors décider d’insérer, au milieu de cet article, une vidéo éditoriale, au contenu adapté. Par exemple, un article explorant les richesses de la culture américaine pourra se voir enrichi d’une vidéo consacrée aux paysages des Rocheuses. Cette vidéo devient alors un «écrin», pouvant accueillir une publicité, par exemple pour un voyagiste proposant des séjours aux Etats-Unis. L’outil permet au site média, plutôt que de se ruiner en production de vidéos à faible durée de vie, de choisir dans un catalogue de vidéos existantes, adaptées aux attentes des utilisateurs. Et donc de disposer du meilleur argument qui soit pour convaincre un annonceur : un espace pour ses campagnes vidéo.

Cette technologie d’analyse sémantique, aujourd’hui utilisée par certains groupes de médias, constitue une vraie opportunité, pour permettre aux sites d’information d’offrir un environnement en phase avec les attentes des annonceurs. L’IA, souvent présentée comme un danger pour ces médias, peut ainsi devenir leur alliée, en leur permettant de mieux valoriser leur contenu et de l’enrichir de manière pertinente. Elle doit donc faire partie des solutions mises en œuvre pour soutenir le financement de l’information, et le futur du journalisme indépendant.

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