Tribune

La dernière querelle entre anciens et modernes se tiendrait-elle autour du marketing et de ce que ce mot évoque ? Certains opposent de « bonnes » stratégies marketing, utilisant de la data et de la science, à des pratiques supposément archaïques où les outils de mesure et les canaux digitaux n’existaient pas. Ce débat est vain.

Le débat fait rage depuis longtemps entre l’art et la science du marketing. Certes, la grande disponibilité des données permise ces dernières années par les outils digitaux et autres cartes de fidélité a fait pencher la balance vers la science et les chiffres. Mais la citation de John Wanamaker – « la moitié de l’argent que je dépense en publicité est gaspillée, mais je ne sais pas quelle moitié » –, si souvent utilisée, prend le marketing par le bout de la lorgnette de la pub, qui, rappelons-le, n’est qu’une toute petite partie du marketing.

Récemment, les experts de la science packagée et simplifiée ont été mis sur le devant de la scène et on les a vus prôner telle ou telle pratique avec force, pratiques qui ont été largement adoptées mais qui ne sont pas toujours adaptées à la situation particulière d’une entreprise. La multiplicité des outils martech à la mode a aussi contribué à la confusion entre moyens et objectifs. Enfin, la mauvaise interprétation de la signification du terme « growth marketing », en particulier en France, a achevé de réduire le mot marketing à des pratiques standardisées, certes quantifiables, mais pas forcément efficaces. Et les dirigeantes et dirigeants se sont retrouvés noyés dans des injonctions parfois contradictoires.

Pourtant, l’art du marketing n’a jamais été autant nécessaire qu’aujourd’hui. Dans un monde en perpétuelle évolution, le marketing est la fonction de l’entreprise qui doit comprendre les attentes des clients potentiels, trouver les mots pour résonner avec ces attentes et provoquer intérêt et émotions, tout en interprétant les signaux faibles de changement dans les attentes ou les canaux efficaces pour échanger avec prospects et clients.

Le marketing dit « traditionnel » commence en fait bien avant la promotion, au niveau de la stratégie de l’entreprise. Ce marketing stratégique est donc directement en charge de la définition du positionnement de l’offre : quel problème on résout, pour quels types de clients, et avec quelles différences par rapport aux alternatives ? Une fois ce positionnement établi, l’art du marketing va encore s’exprimer dans le développement de la marque, ses éléments d’identité et son histoire, tout cela basé sur une réelle compréhension des problématiques des clients, établie grâce à l’art de l’interview client et quelques bonnes pratiques d’écoute active.

L’interview client est indispensable

 Alors, le marketing et les autres fonctions de l’entreprise pourront plonger dans la mise en place et l’évaluation de tactiques, inspirées de pratiques médiatisées à outrance sur des canaux de performance ou d’influence, et suivre des indicateurs clé de performance avec moult sciences. Ce processus est indispensable à mener en amont, contrairement aux préconisations des tenants des vanity metrics. Ces derniers promeuvent souvent les tactiques plus que de la stratégie.

L’art du marketing s’appuie sur une source unique : les clients. Ceux qu’on espère, ceux qu’on a déjà, ceux qui utilisent une des alternatives identifiées, et pas uniquement la concurrence directe. C’est en cela que l’interview client est indispensable. Les entrepreneurs qui l’ont compris gardent une longueur d’avance sur les évolutions possibles des attentes ou des façons de convaincre ou atteindre le marché. Pourtant, peu le font.

Signe des temps, de plus en plus d’« experts » de pratiques de performance marketing reviennent eux aussi à l’art originel, et se détachent plus ou moins fortement de la pure science. Certains vont même jusqu’à expliquer qu’on les a mal compris et qu’il y a bien des étapes à franchir avant d’appliquer leurs recettes miracles. Si cela peut aider plus d’entrepreneurs à poser les bonnes questions, écouter leurs clients, et poser les fondamentaux de l’art avant de plonger dans les chiffres de la science, je veux bien leur accorder le bénéfice du doute.

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