Tribune
La mesure du drive-to-store a énormément évolué ces deux dernières années. Le RGPD a profondément modifié le paysage et de nouveaux acteurs ont fait leur apparition, mais le chemin à parcourir est encore long avant d’atteindre la précision et la transparence attendues par les agences et les annonceurs.

La digitalisation du parcours d’achat a profondément transformé le comportement des consommateurs. Ils se renseignent, comparent, consultent les avis des autres consommateurs en ligne avant de prendre leur décision. Mais une fois qu'ils sont prêts à passer à l’acte, le magasin physique conserve leur préférence. L’e-commerce ne représente en réalité que 9% des ventes au détail dans le monde, selon Ipsos. Et si un tiers des consommateurs commencent leur parcours en ligne, ils sont encore près de 8 sur 10 à finaliser leur achat en magasin, d'après le baromètre Shoppers de Samsung.

Le drive-to-store a donc encore de beaux jours devant lui, à condition d’être plus précis et transparent. La performance d’une campagne de drive-to-store repose en effet sur un KPI de visite incrémentale : il s’agit du nombre de personnes qui se sont rendues en magasin après avoir été exposées à une publicité et qui n’y seraient pas allées sinon. Elle passe par une mesure des visites en magasin d’une part et, d’autre part, par la création d’un bassin témoin non exposé à la publicité. Or, ces deux mesures restent aujourd’hui encore très approximatives.

Les visites en magasin sont en effet mesurées par les régies essentiellement grâce à deux techniques : soit via la bid request (précision à quelques centaines de mètres près), soit via les SDK embarqués dans les applications partenaires des régies (précision à quelques dizaines de mètres près), qui permettent de géolocaliser les consommateurs. Non seulement ces mesures ne sont pas suffisamment précises, mais elles sont de plus extrapolées, ce qui démultiplie les approximations. Des tests grandeur nature ont d’ailleurs démontré que les niveaux de précision s’échelonnent entre 20% et 50% en fonction des acteurs, les plus précis étant les régies mesurant les visites via leur SDK.

Rôle des tiers mesureurs

En ce qui concerne la constitution d'un bassin témoin non exposé à la publicité, celui-ci permet de différencier, par des calculs statistiques, les visites organiques des visites générées grâce au paid media au sein du bassin ciblé. Or, ce bassin témoin peut ne pas avoir du tout les mêmes caractéristiques que le bassin ciblé, ou ne pas être situé dans la même zone géographique, ce qui augmente artificiellement les visites incrémentales. Chaque régie a sa propre définition et son propre modèle dans la création des bassins témoins, souvent invérifiables. L’inspection de ces méthodes réclame non seulement de fortes compétences statistiques et techniques, mais aussi des investissements supplémentaires dans des technologies de tiers mesureurs.

Ces dernières années, le marché s’est enrichi de tiers mesureurs, dont le métier consiste à vérifier les chiffres fournis par les régies en faisant appel à la technologie beacon. S’il s’agit de la technologie de géolocalisation la plus précise aujourd’hui (à quelques mètres près), elle dépend aussi du reach SDK du tiers mesureur. Les tiers mesureurs sont donc eux aussi obligés d’extrapoler leurs mesures, même si les beacons leur permettent d’être beaucoup plus précis que les régies. Ces tiers mesureurs vérifient également que la constitution du bassin d’audience témoin repose sur les mêmes caractéristiques que le bassin d’audience touché, ce qui est indispensable.

Normalisation en cours

Si les tiers mesureurs permettent une mesure uniformisée des visites en magasins et la création de benchmarks sectoriels, les données mesurées et les méthodes utilisées diffèrent encore trop d’une régie à l’autre pour que leurs résultats puissent être correctement vérifiés et comparés. Ce dont le secteur a besoin aujourd’hui, c’est d’une association composée par l’interprofession pour statuer sur des méthodes identiques pour tous, ce qui permettrait de connaître de manière transparente la méthode de remontée des données (SDK ou bid request), le reach SDK et/ou bid request de chaque régie, le pourcentage et la méthode d’extrapolation, mais aussi la méthode de création du bassin témoin et sa constitution.

Cette normalisation est en cours. En effet, lors de la dernière édition du Mobile Marketing Forum en décembre dernier, la Mobile Marketing Association a annoncé avec le CESP (Centre d’étude des supports de publicité) travailler en ce sens et devrait délivrer ses premières conclusions au premier semestre 2020. Nous espérons que ces institutions sauront être claires et fermes dans leurs conclusions. Enfin, pour élever la qualité et l’impact des campagnes drive-to-store, le marché devra aussi trouver des solutions techniques capables de mesurer le rayon visité dans le magasin ainsi que les ventes qui suivent les visites en magasins.

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