Chronique

Le 2 décembre 2017, les Napoléons (réseau social dédié aux acteurs de l’innovation) recevaient Barack Obama en guest star pour une session extraordinaire à la Maison de la Radio sur le thème « Fears ». Tout un programme ! Alors que Stéphane Richard lui demandait quelle était sa plus grande peur, le « past président », concentré, répondit gravement : « J’en ai trois : le dérèglement climatique, le terrorisme ET une pandémie mondiale. » Je ne me souviens plus de l’ordre mais je me rappelle bien combien cette réponse me glaça. Ce triptyque agrégeait trois périls, les enchevêtrait dans une même sentence. Obama dans sa clairvoyance, sa concision, son besoin de partage, nous laissait toutes et tous face à une sinistre prophétie que le cocktail n’estompât qu‘avec peine.

Nous savons les liens entre climat, désertification, érosion du vivant, disparition des espèces, épuisement des ressources, migrations, nationalismes et terrorisme ... Qui a « joué » à la Fresque du climat a eu l’opportunité de faire ce travail de chaînage entre causes et conséquences. Et si la crise du Covid-19 levait le voile sur la fragilité de notre système mondialisé ? Et si, comme l’écrivent les Chinois, la crise pouvait aussi s’entendre comme une opportunité ? Et si elle sonnait le signal de la refondation de nos sociétés sans têtes ?

Avons-nous bien entendu les mots du président Macron dans son allocution ? « Ce que révèle cette pandémie, c'est qu'il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché. Déléguer notre alimentation, notre protection, notre capacité à soigner, notre cadre de vie (...) à d'autres est une folie. » J’ai hâte de voir la suite qu’il donnera à ces propos.

Rappel à l'ordre

La grande pandémie de peste du 14ème siècle a radicalement transformé la société médiévale. Les historiens s’accordent à lui reconnaître des transformations sociales, économiques, politiques, religieuses qui préparèrent la Réforme et la Renaissance. Comparaison n’est pas raison (un tiers de la population européenne avait été décimée en cinq ans) mais les imaginaires furent durablement modifiés. Alors quelles leçons tirerons-nous de cet épisode de sidération mondiale ? Dans nos sociétés qui ont tenté de faire oublier la vulnérabilité de notre espèce, d’aseptiser notre rapport à la nature et promu notre suprématie sur l’ensemble de la chaîne du vivant, quel changement de conscience et de rapport au monde saurons-nous faire renaître ? Nos travaux sur la responsabilité sociale et environnementale vont devoir considérablement se muscler. Quand un microbe révèle soudainement la fragilité de nos vies, de nos organisations, de nos modèles de société, nos manifestos et autres professions de foi semblent bien dérisoires.

Au fait, le saviez-vous ? (moi pas !) le mot microbe signifie « petite vie ». Il a été inventé par un chirurgien français (Charles-Emmanuel Sédillot) en 1878 pour désigner tous les êtres vivants infiniment petits qui provoquent des maladies. Le vivant est terriblement résistant et n’a pas fini de nous rappeler à l’ordre. Le vivant devrait siéger dans tous les conseils d’administration, les sessions de parties prenantes, les briefs de nos campagnes. À force de l’avoir écarté, nié, mis sous plastique ou en décor de naturalité, nous le reprenons dans la face. J’ai le sentiment qu’on ne vendra plus le durable en l’oubliant.

PS: En attendant, puisqu’il est question dans cette épreuve de mesurer notre sens de la responsabilité et de la solidarité, rappelons-nous l’interdépendance de notre industrie. Quand des grandes entreprises coupent brutalement les budgets de communication, par logique purement financière, veillons collectivement aux structures et organisations fragilisées par ces mesures de repli. On s’embrasse plus mais on fait gaffe à tout le monde. OK ?

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