Tribune
À trop vouloir changer le monde en se concentrant sur les grandes causes, le monde de la publicité en oublie ce qui fait le panache de la création à la française, qui séduisait tant les plus jeunes il y a quelques années encore. Il est temps de changer ça.

Notre métier est un métier de transmission, mais pour passer le témoin, encore faut-il avoir des relayeurs prêts à reprendre le flambeau. Or à l’évidence, les agences ne séduisent plus les jeunes. Longtemps porte-drapeau de la pop culture, la publicité s’est fait damer le pion par le jeu vidéo ou l’animation qui attirent bien davantage la jeunesse. Ce désamour se traduit ces dernières années par l’absence de l’émergence dans les palmarès majeurs de jeunes talents tels que les générations précédentes en avaient produits.

Parmi les raisons de ce désintérêt, un biais faussement vertueux est venu redéfinir la raison d’être de notre métier. Pourtant notre raison d’être, nous la connaissons et elle n’a pas changé depuis les débuts de la réclame : nous sommes là pour vendre des produits. Idéalement avec intelligence. Mais définitivement pour vendre des produits. Or, à en croire les productions primées à Cannes, on peut s’interroger : a-t-on encore le droit de commettre un acte créatif pour vendre une voiture, un hamburger, ou un simple service ?

Dans ces festivals, au regard des bonnes idées qui se concentrent autour des « grandes causes », il semblerait plutôt qu’on attende des créatifs qu’ils sauvent la planète. La pub serait devenue vulgaire car le monde a changé. On ne parle plus des produits et cela deviendrait presque honteux de les montrer. On le fait au prisme du corporate, de l’engagement sociétal de l’entreprise, ce qui doit représenter 0,1 % des briefs mondiaux. C’est bien là tout le problème : ce n’est plus le véritable reflet de notre métier.

Cannes, c'est l'école des fans

C’est un cercle vicieux dont on ne sort pas. En témoignent 90 % des travaux cannois. Cannes, censé être le temple de la création et de l’inspiration, est ainsi devenu un concentré de consensualité et de bienséance où l’on prime l’acte sociétal et où l’on consacre de moins en moins l’acte créatif. Et l’on devrait se demander pourquoi l’on y participe encore. 

Trop de festivals internationaux, des jurys dépréciés dans lesquels 25 % des jurés ne sont plus des créatifs et dans lesquels il faut composer avec la parité entre les réseaux, les indépendants, les sponsors, sont autant de mauvais signaux envoyés. Cannes, c’est devenu l’école des fans.

Pour retrouver le panache à la française, nous devons cesser d’obéir à la bienséance mondiale. Pour prétendre à nouveau à une désirabilité qui nous échappe et assurer notre rôle de passeurs, il faut remettre un peu de gaité, de spontanéité et de légèreté, ce qui nous manque cruellement.

Notre profession n’a jamais eu autant besoin de positivisme et de solidarité. C’est important pour la préservation de notre métier. C’est essentiel pour la jeunesse qui doit être inspirée par notre travail, par la richesse des arts appliqués et par le terrain de jeu que cela représente. Et c’est primordial pour préserver l’avenir de tout un pan du monde de la culture, jeunes artistes et auteurs, à qui nos agences donnent les moyens de travailler et d’émerger.

Nous sommes un pays avec beaucoup d’intelligence. Nous savons produire et faire rayonner de grandes idées. Nous savons les exécuter et les réaliser parfaitement, mobiliser les meilleurs talents de toute la filière des arts appliqués. Notre « french touch » est reconnue. Nous pouvons être fiers de notre savoir-faire qui s’exporte dans le monde entier.

Célébrons cela d’autant plus que notre métier n’a jamais été aussi difficile à faire. Le pouvoir est à la jeunesse. Défendons-le au sein du Club des DA, qui est notre syndicat et la maison des créatifs. Revendiquons-le dans nos agences. Et portons-le dans les écoles avec conviction. Car la transmission est de notre responsabilité, il en va de la survie de nos métiers.

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