«Le peuple a fait sécession», écrivait Michel Maffesoli après le premier tour des régionales. Une majorité silencieuse a dit non à l'offre politique régionale proposée. La défaite politique est dans tous les camps et si l'échec institutionnel est régional, la crise est démocratique. Elle l'est pour les élus et pour la communication publique qui a pourtant vu ses budgets augmenter, et les services communication se structurer et se professionnaliser durant ces six dernières années.

À leur décharge, il faut avouer que les bouleversements géopolitiques, technologiques, économiques et sociétaux dessinent des temps exponentiels. Globalisation, 2.0, crises en rafales… la séquence est celle des incertitudes radicales, des vérités politiques faibles. Emmanuel Hoog, président de l'Institut national de l'audiovisuel, l'écrit: «Internet instaure un présent permanent». Le Web crée aussi une fusion des espaces et provoque des ruptures territoriales sans précédent entre local et global, réel et virtuel, privé et public.

C'est surtout, pour les Français, l'obsolescence d'un «roman français» qui imposait ses pages au reste du monde et dans l'intimité du territoire local, la perte de la croyance dans la capacité du politique à changer les choses et même à protéger.

L'espace public contemporain s'est complexifié. Une dispersion de l'autorité s'organise avec de plus en plus d'acteurs publics et privés qui veulent participer à la coécriture de l'action publique. Les contestations de la parole publique référente se multiplient. Le citoyen aussi est plus complexe. Hyperindividualiste, corporatiste, communautariste, consumériste, volatile, «instantanéisé» mais aussi égalitariste, consommateur de plus en plus citoyen et citoyen de plus en plus consommateur, il a compris qu'il vivait, comme le soulignent Ludovic François et François-Bernard Huyghe, au cœur d'une «démocratie d'influence» qui tourne parfois à la «démocratie du rejet». Voici venu le temps de la société individualiste de masse chère à Dominique Wolton.

Gagner la bataille des territoires

Il est devenu très compliqué de gouverner et de communiquer dans cet espace de contradictions permanentes. C'est là que les défis de la communication publique sont exceptionnels et que sa responsabilité d'intervenir est grande. Elle doit créer, nourrir, et développer la relation, la conversation, la confiance. C'est elle qui va donner un sens à la société de l'incertitude qui se construit aussi dans l'intime et le local.

Il s'agit de développer des marques politiques régionales fortes – la région et son leader – identifiables et «mobilisantes» pour gagner la bataille citoyenne de la démocratie locale, installer des marques institutionnelles puissantes – le conseil régional –, pour répondre aux besoins des usagers et délivrer le service public régional, et positionner des marques territoriales compétitives et attractives pour gagner la bataille des territoires. Le défi est grand. S'agit-il d'un défi ou plutôt d'une formidable opportunité pour favoriser l'arrivée ou le retour du «temps du politique» dans une décentralisation qui se cherche? La région est un enjeu mais il faut répondre à la nécessité de «repolitisation» à tous les échelons territoriaux, et notamment au niveau de l'intercommunalité.

Face à la crise, à la difficulté de saisir les enjeux, les citoyens souhaitent que les élus assument leur fonction, donnent une direction. Il faut donc rapprocher, pousser plus loin en profondeur la gouvernance locale dans un contexte où tout est débattu. La parole publique libérée doit se déployer en profondeur dans l'espace public pour se charger en légitimité. L'action des communicants doit permettre de rétablir un cadre relationnel reposant sur quatre temps démocratiques: la pédagogie des enjeux, l'organisation du débat, le choix politique et l'adhésion à la décision.

Les médias locaux, souvent en situation de monopole, doivent participer à cette émergence en ouvrant davantage leurs pages et leurs antennes aux questions et enjeux politiques et publiques. Débats, opinions, polémiques aussi, il faut que l'information locale et régionale s'implique.

S'il y a eu «sécession», il n'y a pas «dissolution du politique», comme l'écrit Tim Jordan. Loin de la dépolitisation, la participation emprunte déjà et empruntera de nouvelles voies hors du champ électoral que l'on ne sait pas encore très bien appréhender ou mesurer. Nos concitoyens aiment la politique, il faut que, grâce à une communication publique réinventée, ils en retrouvent le goût de l'expression essentielle: le vote.

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