Le mot crise, rappelons-le, s'exprime en chinois par deux idéogrammes dont l'un signifie «opportunité de changement». Ainsi, cette période de rigueur qui s'annonce pourrait être l'occasion de changer enfin les choses en matière de communication. Si nos compatriotes sont justement inquiets de l'évolution de leur pouvoir d'achat, la plupart apparaissent peu concernés par la crise de la zone euro et ne semblent pas mesurer à quel point la réduction de notre dette publique, et les sacrifices qu'elle exige, va peser sur la campagne présidentielle.

S'ils ne regardent pas la réalité en face, ce n'est pas parce qu'ils ont opté pour la politique de l'autruche, mais parce que personne ne s'est vraiment donné la peine de leur expliquer, clairement et en toute transparence, la gravité de la situation dans laquelle se trouve notre pays et certains de ses partenaires. Faute d'une communication audacieuse sur les sujets économiques et européens, c'est-à-dire qui exclut toute langue de bois, la majorité des Français ne comprennent rien au langage, il est vrai obscur, que leur tiennent, à longueur d'émissions et de débats télévisés, leurs dirigeants et autres «experts».

Ainsi, les véritables enjeux de la campagne présidentielle qui s'ouvre risquent fort de leur échapper. Et, en l'absence d'une communication claire, condition première d'une démocratie participative, les tenants d'un discours populiste pourraient s'en donner à cœur joie. «Au vu du poids des problèmes, on s'attendrait à ce que les politiciens, sans délai ni condition, mettent enfin cartes sur table afin d'éclairer de manière offensive la population...», déplorait, lors d'une récente conférence à l'université Paris-Descartes, le philosophe Jürgen Habermas.

Un récent sondage BVA suffit à révéler l'ampleur de ce fossé d'incompréhension entre les élites et le grand public. Selon cette enquête d'opinion commanditée en novembre 2011 par l'agence Elan, plus de six Français sur dix jugent les explications des dirigeants européens sur la crise incompréhensibles. De même, à deux questions sur trois posées sur la signification exacte du fameux «triple A», ils avouent leur ignorance. Enfin, 61% considèrent que, pendant cette crise, les chefs d'entreprise ont un rôle «important» à jouer, près de deux fois plus important que celui de l'opposition par exemple.

Ce déficit d'information intelligible en cette période critique constitue aussi, comme on l'a vu déjà en 2009 au sortir du séisme des «subprimes», une menace pour les chefs d'entreprise, souvent accusés, dans un rapide amalgame, d'être responsables, avec les marchés financiers et les banquiers, de tous les maux dont souffre notre économie. Que faire pour clarifier cette perception des réalités économiques d'aujourd'hui et ainsi contribuer à empêcher que se propage davantage cette inquiétante crise de confiance que traduit le mouvement des «indignés»?

D'abord intégrer absolument l'idée qu'en 2011 ou en 2012, la communication ne peut plus être une démarche à sens unique où l'on assène des formules et des slogans relevant de la publicité ou de la surenchère verbale des meetings électoraux. L'opinion est mûre pour entendre un langage de vérité. A condition de prendre la peine de faire un peu de pédagogie, de lui exposer la situation telle qu'elle est, de lui fournir toutes les informations nécessaires et d'ouvrir largement le dialogue sans «cibler» par opportunisme telle ou telle catégorie sociale. Il faudrait aussi mieux savoir identifier et décrypter les nouveaux chemins des influences multiples et nouvelles dues au morcellement de l'opinion et à la fragmentation des médias.

Ainsi, les chefs d'entreprise, comme les politiques, ne prennent pas encore suffisamment en compte les réseaux sociaux et les acteurs influents du Web que sont certains blogueurs. Ma conviction est que la réconciliation du monde politique et de celui de l'entreprise avec une opinion publique de plus en plus «déboussolée», et donc soumise à toutes les dérives, passe par cette nouvelle approche en matière de communication. Et la crise économique et européenne nous fournit une opportunité historique pour procéder à cet aggiornamento.

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