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Les métropoles régionales portent une bonne part de la croissance des offres d’emploi. Une dynamique notamment sensible en Paca, Nouvelle-Aquitaine, Occitanie et Pays de la Loire.

« En janvier 2023, le climat des affaires en France reste quasi stable tandis que le climat de l’emploi s’améliore de nouveau », peut-on lire sur le site de l’Insee en ce début d’année. Voilà pour le cadre général qui permet au gouvernement d’afficher un taux de chômage de 7,2 % à la fin 2022 et de confirmer son objectif de plein-emploi à la fin du quinquennat. Et à y regarder de plus près, la province – comme on ne l’appelle plus – n’est pas à la traîne dans cette dynamique. Loin de là. « Depuis février 2020, la croissance se fait surtout en région, explique Alexandre Judes, économiste au sein d'Indeed, méta-moteur de recherche d’emploi. Même si elle occupe un poids important dans l’économie, l’Île-de-France est en retard, si on observe la croissance du volume des offres. Et les régions s’en tirent particulièrement bien. Surtout dans les Pays de la Loire, en Provence-Alpes-Côte d’Azur, en Nouvelle-Aquitaine et en Occitanie, avec un volume d’offres qui a doublé depuis trois ans. »

Comme un phénomène de rattrapage dans l’air. Si le tiercé gagnant des régions actives peut varier d’une référence à l’autre, tous viennent constater cette effervescence régionale. D’ailleurs, pour gagner en visibilité, et attirer les candidats, le département de l’Aveyron s’est structuré avec la création de son Agence de l’attractivité et du tourisme, avec la promotion de 2 500 offres d’emploi en 2022. « Cette année a été beaucoup plus dynamique que prévu, en termes de remplacement et de création de postes. Au global, le cap de 5 millions de contrats à durée indéterminée (CDI) est franchi – une première en France , et 80 % des emplois sont situés hors Île-de-France », résume David Beaurepaire, directeur délégué de HelloWork, acteur digital français de l’emploi, du recrutement et de la formation appartenant au groupe Télégramme. Passage en revue de fonctions recherchées, suivant les éléments du Baromètre 2022 de l’emploi, signé HelloWork.

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Commercial. Crise ou pas, la France manque de commerciaux. Et à peu près dans les mêmes proportions dans toutes les régions, 7 % du volume d’offres en CDI, CDD, alternance et intérim, selon les chiffres d’HelloWork. Les Pays de la Loire sont un peu en retrait.

RH. Signe de la vitalité économique sur tout le territoire, les experts des ressources humaines, de la formation et du recrutement, sont recherchés aux quatre coins de l’Hexagone, 3 % ou 4 % du volume des offres, contre 6 % en Île-de-France.

Santé – social. Le yoyo est de mise entre les différentes régions. La recherche de professionnels est particulièrement marquée depuis le covid en Provence-Alpes-Côte d’Azur, avec 12 % du volume d’offres d’emploi, soit deux fois plus qu’en Normandie ou en Bourgogne-Franche-Comté, et même plus qu’en Île-de-France (9 %). Infirmier est le premier métier cité en Occitanie, le deuxième dans le Grand Est, le troisième dans les Hauts-de-France ou, encore, dans le Centre-Val de Loire.

Finance, audit, comptabilité, gestion. Les hommes et femmes de chiffres sont recherchés partout en France. Occitanie, Hauts-de-France, Bourgogne-Franche-Comté arrivent en tête de liste. Les experts-comptables tablent d’ailleurs sur 30 000 postes à pourvoir d’ici à 2025, et peaufinent leur marque-employeur.

Marketing et communication. Selon HelloWork, l'Île-de-France et les régions sont quasiment au coude-à-coude sur ces métiers, 52 % contre 48 %. Et, si la région parisienne reste la première à en embaucher, l’Auvergne-Rhône-Alpes montre une vitalité soutenue, en raison de l’attractivité de Lyon, avec près de 14 000 offres d’emploi recensées. C’est deux fois plus que dans les Pays de la Loire. La palme de la progression revient à la région Paca, avec un bond de 204 % par rapport à 2021. Mais les offres peuvent ne pas trouver preneur, surtout dans le digital. Un élément de l’offre qui peut freiner le taux de réponse ? Le tutoiement. « 10 % sur ce créneau l’utilisent, assure Alexandre Judes, contre 3 % dans l’ensemble des métiers. Or la jeune génération n’aime pas être tutoyée. Et par ailleurs, cette technique rebute les 55 ans et plus. Cette pratique est vécue comme une discrimination. »

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Événementiel. Il s'agit d'un pan dynamique de la communication. « Le secteur explose, résume Marc Dumas, président du groupe Républik, riche d’un portefeuille de 200 manifestations. Beaucoup de professionnels ont quitté le métier à la suite du covid. Or le dernier semestre est très riche en événements d’entreprise. Les gens en ont marre du digital. Les Cassandres se sont plantées. » Les compétences font défaut. « C'est un effet rebond pour cause de budgets non consommés pendant deux ans, complète Frédéric Morin, directeur de production et communication chez Les régisseurs, premier réseau de free-lance dans l’événementiel. La France est sous-staffée. » Et ce, à quelques mois de la Coupe du monde de rugby et des Jeux olympiques.

Production et maintenance industrielle. Arrivés en troisième position sur le plan national, ces métiers se placent fréquemment en tête dans nombre de régions, comme dans les Pays de la Loire, en Auvergne-Rhône-Alpes, dans le Grand Est, avec parfois 26 % du volume des offres de 2022.

Trois questions à Sylvain Zaffaroni, cofondateur du collectif «Pour nourrir demain» et à l’origine de l’initiative «Les CV inversés de l’agro»

Pour quelle raison avez-vous développé cette opération des CV inversés dans l’agroalimentaire ?

Dans ce secteur, la pénurie des ressources humaines couvre tous les métiers, du champ au poste de dirigeant. Au lieu d’attendre les curriculum vitæ des candidats, l’idée est de promouvoir ceux des marques comme Savéol, Brossard, Candia, Aoste, d’Aucy, N.A!, Volvic, Carte Noire ou bien encore Les Frères Collet… Au total, elles sont aujourd’hui une vingtaine et, avec 2 500 visites par jour sur le site (cv-inverse.fr) ainsi que 3 à 40 CV reçus par jour en retour, cette campagne fonctionne bien. Des embauches de commerciaux, d’opérateurs de production… ont déjà eu lieu.

En quoi cette opération traduit-elle la dynamique en région ?

Recruter en région est encore plus compliqué. Les entités de production se trouvent précisément en dehors de Paris, et de l’Île-de-France, même loin des capitales régionales. Sans parler des agriculteurs. Le déficit est historique. Aussi incroyable que cela puisse paraître, les agriculteurs habitent parfois à une heure de route de leur exploitation, car les deux conjoints ne vivent plus sur site. Par ailleurs, des marques réfléchissent à d’autres implantations, à doubler les sièges sociaux… Aujourd’hui, les usines ne tournent qu’aux deux tiers.

Et les fonctions support dans tout ça ?

Elles sont loin d’être épargnées par la pénurie. Elles sont frappées par un turnover très important. Certains sont partis tenter l’aventure entrepreneuriale. Marketing, commercial, communication, direction… plus d’un collaborateur sur cinq, à ces postes-là, bouge chaque année. Et pourtant, les consommateurs ne se rendent pas compte de l’ampleur de la crise qui frappe l’agroalimentaire, aujourd’hui. Or avec de tels trous dans les effectifs, on peut envisager des rayons clairsemés dans nos supermarchés. Les régions souffrent. Et la maison brûle.

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