TRIBUNE

[Tribune] Face à des candidats à l’emploi, qui ont développé ces dernières années des comportements de consommateurs, il est temps pour les entreprises de reprendre la main en travaillant leur marque employeur.

Cadres ou opérationnels, expérimentés ou débutants, diplômés d’écoles de management, d’ingénieurs ou d’universités… Quels que soient leur profil ou leur expérience, les candidats d’aujourd’hui partagent un point commun : ils ont pris la main et ce sont eux, désormais, qui mènent la danse. En pleine confiance, ils développent de plus en plus des comportements de consommateur. Comme des consommateurs, les candidats sont hyper bien informés sur des employeurs potentiels, et ils s’appuient bien plus sur l’avis d’autres consommateurs-candidats pour « faire leur marché » parmi les promesses des employeurs.

Comme des « smart shoppers », ils exigent une expérience fluide, rapide, cohérente, sous peine de switcher pour le mieux offrant. Et ils décodent parfaitement le « candidate washing » des employeurs, qui vantent un job idéalisé dans « la meilleure des entreprises ». Face à cette nouvelle donne, les marques employeur accusent souvent plusieurs longueurs de retard, et sont parfois coincées à l’ère de « la réclame », période bénie où il suffisait d’informer pour vendre/recruter. Pour reprendre la main, sur un marché consumérisé et de plus en plus concurrentiel, les marques employeurs doivent répondre à plusieurs enjeux.

Au centre, le candidat

C’est un marronnier aussi vieux que la marque employeur, et beaucoup d’entreprises n’ont pas attendu le retournement du marché pour, par exemple, simplifier et accélérer le processus de recrutement, ou disposer d’un ATS (applicant tracking system, en français système de suivi des candidats) performant. Mais mettre le candidat au centre, c’est aussi travailler les discours pour créer de la différence et de la préférence. C’est travailler en amont des persona-candidats, pour adapter la promesse marque employeur « chapeau » aux exigences et attentes de profils différents : on n’attire pas de la même façon un conducteur de bus et un cadre dirigeant, un collaborateur en France ou en Allemagne.

Être candidate centric impose enfin aux marques employeur d’être performantes à la fois sur le bas et le haut du funnel. Sur le bas quand il s’agit de convertir un « prospect chaud », en développant une grande profondeur de contenu et une véritable approche de brand content, au-delà de quelques vidéos métiers qui se battent en duel. Et sur le haut du funnel, quand l’enjeu n’est pas encore de détailler les preuves RH, mais de donner envie, de séduire, d’adopter un registre plus émotionnel, plus impactant, et parfois plus publicitaire. C’est d’autant plus le cas que le terrain de jeu de la marque employeur se situe de plus en plus dans la sphère des médias (sociaux) grand public, où elle rentre en concurrence avec des discours de marque corporate et commerciale.

C’est la personnalité qui compte

Déterminer une EVP (employee value proposition, en français proposition de valeur à l’employé) différenciante et originale est une gageure, et un tour d’horizon des sites carrières montre bien qu’on tourne toujours un peu autour des mêmes mots-clés (futur, ensemble, révéler son potentiel…). Ce sont la façon dont on va exprimer l’EVP, le registre d’expression et le champ sémantique choisis qui vont « faire ressentir » la culture de l’entreprise, créer la connivence et la projection, avec en toile de fond cette attente majeure des audiences pour plus l’authenticité, pour un discours vérité des marques.

Cette personnalité de la marque employeur doit bien sûr être cohérente avec celle de la marque corporate et/ou commerciale. Et d’ailleurs, le travail sur la marque employeur implique parfois un travail de (re) définition de la marque dans son ensemble. Pour Decathlon par exemple, nous avons travaillé avec beaucoup d’attention la personnalité marque employeur, exprimée d’abord sous la forme d’un manifeste, qui oriente ensuite toutes les expressions de la marque à tous les points de contact, du site carrière aux annonces d’emplois.

Always-on

Le déploiement de la marque employeur est confronté à un enjeu majeur d’occupation du terrain, pour émerger et rester dans le top of mind des candidats. Pas évident quand les budgets RH sont contraints, permettent tout juste de lancer la marque employeur et limitent l’efficacité des plans d’acquisition. Ceux-ci ne travaillent souvent que partiellement l’écosystème RH : les job boards, la programmatique, les agrégateurs… Il faut également orchestrer des temps forts, parfois événementiels, et une approche fil rouge qui redonne constamment des raisons de s’intéresser à la marque, notamment en travaillant les réseaux sociaux. C’est là que les programmes d’employee advocacy peuvent générer un retour sur investissement irrésistible grâce à des ambassadeurs bien outillés et accompagnés.

Pour répondre à ces défis, nous voyons deux conditions majeures. En premier lieu, une collaboration fluide entre la DRH et la direction de la communication. Le sujet marque employeur est parfois dans un service ou l’autre, parfois c’est une responsabilité partagée. Mais dans tous les cas, une marque employeur performante ne peut naître et se déployer efficacement que si les équipes RH et com sont alignées, d’autant plus qu’elles ont souvent l’obligation d’avancer vite, le sujet étant devenu en enjeu stratégique de Comex.

L’autre facteur clé de succès tient à la méthode adoptée pour construire la plateforme de marque employeur, et l’impératif d’embarquer les collaborateurs actuels, dont on sait qu’ils sont de moins en moins engagés dans la vie de leur entreprise, quand ils n’ont pas des velléités de départ. L’idée est d’éviter les démarches trop descendantes et centralisées, et de mobiliser la communauté RH et au-delà, les collaborateurs, en faisant du chantier marque employeur un véritable programme RH. Un programme « brandé » et communiqué en interne, destiné à mieux capturer les ressentis et les insights, et qui implique un design collectif des composantes clés de la feuille de route RH. Une démarche plus ambitieuse, mais qui contribue à créer une marque employeur dans laquelle les talents, d’aujourd’hui et de demain, se reconnaîtront vraiment.

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