« IMPORTANT : Vous disposez d’une formation intégralement prise en charge par vos droits CPF. Réclamez votre formation ». De tels textos, mails ou même appels téléphoniques au domicile sont monnaie courante pour vous inciter à utiliser vos droits au Compte personnel de formation (CPF). Les plus jeunes auront sans doute vu une vidéo d’influenceur proposant des ordinateurs ou smartphones en échange d’une inscription à une formation. Ces messages visent à vous inscrire à des formations « bidons » ou à se connecter à votre compte personnel pour siphonner vos droits. Derrière ces escroqueries, des organismes de formation peu scrupuleux, voire l’ombre de « circuits criminels en bande organisée », selon plusieurs acteurs du secteur...
« Aucun organisme officiel – ni Pôle emploi, ni France Compétence, ni la Caisse des dépôts – n’appelle individuellement les bénéficiaires pour leur proposer des formations ! Dès que l’on reçoit un tel appel, il y a un risque de fraude », alerte Michel Clézio, président du Syndicat national des organismes de formation (Synofdes, lire l’interview ci-dessous). La fraude au CPF représente un montant de 16 millions d’euros, selon les estimations de la Caisse des dépôts qui gère la plateforme numérique ; l’institution financière a déposé une trentaine de plaintes auprès de la justice. « Lorsqu’il y a des politiques publiques avec des fonds qui semblent facilement accessibles, cela attire toujours les convoitises », se désole Géraldine Boureau, responsable du service régulation et financement de la Caisse des dépôts, un service justement créé pour faire le ménage dans le maquis des magouilles au CPF. « Quand vous avez des gens qui fraudent, ils volent non seulement de l’argent public, mais ils discréditent aussi tout le système », se désole Laurence Carlinet, directrice exécutive France & nouveaux partenariats d’ETS Global, entreprise qui délivre des certifications de compétences en langues (Toeic, Toefl…).
Car, au-delà de la fraude, l’enjeu est aussi de faire cesser les pratiques commerciales agressives. Formations non éligible au CPF, dont le coût est largement surévalué ou le niveau de formation est insuffisant… Tout est bon pour escroquer les bénéficiaires peu vigilants.
Démarchage abusif
Devant l’avalanche de pratiques irrégulières et d’alertes envoyées par les ayants droit (40 % des signalements concernent le démarchage abusif), les organismes en charge du dispositif ont commencé à traquer fraudeurs et profiteurs d’un système jusqu’alors peu contraignant. France compétences, l’établissement public chargé de contrôler les formations, s’est tout d’abord penché sur le rôle des certificateurs de compétences. « La certification était l’une des principales portes d’entrée à la fraude car certains certificateurs ne vérifiaient pas la réalité de la formation dispensée ou fixaient un niveau de compétences à atteindre très bas », précise Mikaël Charbit, directeur de la certification de France compétences.
L’établissement public a ensuite ausculté les organismes de formation (OF) eux-mêmes. De septembre à décembre 2021, il a réalisé un important travail de contrôle des OF inscrits au répertoire spécifique (formations sur les compétences transversales). Le nombre d’organismes de formation référencés sur la plateforme CPF est ainsi passé de 21 000 en 2021 à 15 000 aujourd’hui et le nombre de formations de 400 000 à 200 000. Dernière étape de ce processus d’assainissement : l’obligation à compter du 1er janvier 2022 pour les OF d’être certifiés Qualiopi, une certification de qualité délivrée par l’État. La Caisse des dépôts a ainsi bloqué 1500 autres organismes. Et a lancé une grande campagne digitale de sensibilisation et de prévention.
Malgré ce grand ménage, les sollicitations folkloriques ne semblent pas faiblir. Toutefois, la fraude constatée est un « phénomène extrêmement marginal », assure Géraldine Boureau de la Caisse des dépôts : elle ne représente que 0,05 % des fonds disponibles. « Le CPF est un beau succès, il ne faudrait pas que le dispositif soit cassé par les manœuvres de quelques acteurs malintentionnés », constate Laurence Carlinet d’ETS Global. « Il faut défendre ce système qui offre une plus grande facilité d’accès à la formation et une meilleure répartition des fonds entre tous les bénéficiaires. » Des paroles rassurantes qui ne sauraient cependant cacher qu'un très grand nombre de Français a été exposé à des messages frauduleux.
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