Management

L’ADC, Association Design Conseil, fait la tournée des écoles de commerce et de création, afin de mieux faire connaître ses métiers. Elle se rapproche aussi des universités et des BTS pour diversifier ses recrutements.

Depuis son élection à la tête de l’ADC, l’association des agences de design, qui comprend 32 membres, Delphine Dauge avait inscrit les relations avec les écoles comme un des chantiers de sa présidence. « Nous voulons montrer que nous représentons un secteur économique qui a du poids, avec 4000 emplois et 200 millions d’euros de chiffre d’affaires, explique la directrice générale de SGK Brandimage. Les métiers de la marque ne sont pas très connus, on nous confond souvent avec la publicité vers laquelle se dirigent plus facilement les diplômés. Nous voulons aussi aller chercher des jeunes qui ne se destinent pas forcément au design, dans des zones plus défavorisées. » Deux membres du bureau, Simon Bouanich, co-président de l’agence Pulp, et Oriane Tristani, directrice générale de Landor & Fitch, sont en charge de cette mission et se sont répartis les prises de contact avec les établissements. Dès cette semaine, les patrons d’agences vont prendre leur bâton de pèlerin pour présenter leurs activités dans les écoles de création, de communication et de commerce. « Je suis invité tous les ans aux jurys des masters 2 en écoles d'art graphique mais je constate que nos métiers traditionnels du branding packaging y sont très peu représentés, observe Simon Bouanich. Nous avons tendance à recruter toujours auprès des mêmes écoles privées, avec une forme de consanguinité. D’un autre côté, l’ADC s’est ouvert à de nouvelles agences spécialisées dans le digital qui ont d’autres réseaux de recrutement. J’ai pensé important d’expliquer ce qu’était une agence de design, ses métiers et les perspectives de développement. » 

Tension sur les métiers

Concrètement, la présentation expose les différents métiers du design : identité visuelle, packaging, architecture commerciale mais aussi design sonore, création de noms de marques, design de services, création digitale… Elle retrace la journée type d'une agence avec ses diverses fonctions : commercial, créatif, planning stratégique, production… L’ADC insiste sur la dimension internationale et les potentiels d’évolution, les étudiants ayant besoin de se projeter dans des métiers d’avenir. Et bien sûr, il faut répondre aux questions sur la qualité de vie et les salaires, un designer débutant environ à 2500 euros bruts. De plus en plus, ce sont les recrutés qui ont la main sur le marché de l’emploi, d’où la nécessité de travailler sa marque employeur. « On commence à ressentir une tension sur les métiers du conseil avec la concurrence des cabinets spécialisés, prévient Oriane Tristani. On ne parle pas encore de “big quit”, la grande démission comme aux États-Unis, mais ça pourrait venir. »

Ouverture d'esprit

Une autre dimension importante est d’ouvrir les recrutements à de nouveaux profils, afin de mieux refléter la société française. Les écoles d’élite comme Penninghen ou les Arts Décoratifs sont chères et ultra sélectives, quand certains lycéens de zones d’éducation prioritaire ignorent même que ces filières existent. Et pourtant, les talents créatifs sont présents dans tous les milieux. L’ADC veut donc aller au-devant de formations encore plus éloignées du monde du design comme les BTS et les universités. C’est un sujet qui tient à cœur à Kheireddine Sidhoum, directeur de la création de Dragon Rouge, lui-même venu au design par le monde de la musique. « Notre métier est lié à la vraie vie. Plus on a des gens formatés plus c’est compliqué, soutient-il. Il y a des talents formidables sur Instagram ou TikTok qui ne savent même pas qu'ils sont designers. J’ai été interpellé par notre bureau de New York lors du mouvement Black Lives Matter : pourquoi n’y a-t-il pas plus de gens de couleur dans nos agences ? Je ne suis pas pour l’affirmative action, mais favorable à initier les enfants au design dès le primaire. » L’ouverture d’esprit est bénéfique des deux côtés : « J’ai découvert des formations de très bon niveau auxquelles on n’aurait jamais pensé comme l’Epsaa, l’école d'art publique de la Ville de Paris, ou le BTS design graphique du lycée Auguste Renoir, souligne Simon Bouanich. L’alternance peut être une clé pour accéder à une carrière, à un moindre coût pour les agences puisque la plupart des frais sont pris en charge par l’État. Je répète souvent qu’un alternant sur deux finit par être embauché. » Un sujet particulièrement crucial pour les métiers techniques qui peinent à assurer la relève. 

Les écoles concernées :

Du côté de la création, l’ADC va rencontrer Penninghen, les Gobelins, Estienne, Strate, Intuit Lab, e-Artsup, le lycée Corvisart-Tolbiac, le lycée Auguste Renoir, l’Epsaa, l’École de design de Nantes, Brassart, ECV, Hetic.

Pour les fonctions conseil, Sciences Po, le Celsa, Dauphine, Kedge, Neoma mais aussi les pôles universitaires de Créteil, Saint-Denis ou Orsay. Une vingtaine d’écoles au total devraient être visitées cette année.

Antoinette Lemens, directrice de l’ADC : «La difficulté est de trouver des talents»

Comment se porte le recrutement dans les agences de design ?

Au plus fort du covid, le packaging grande consommation a continué à fonctionner mais le commerce était à l’arrêt. Depuis la reprise, les recrutements ont recommencé encore plus fort. La difficulté est plutôt de trouver des talents. Les salariés ont pris l'habitude de travailler différemment, ils demandent un équilibre entre le personnel et le professionnel, ils sont habitués au télétravail, une organisation inenvisageable auparavant. Pendant des années, il était mal vu de changer souvent d’agence, alors que c’était courant au Royaume-Uni. Aujourd’hui, la mobilité est beaucoup plus acceptée. 

Les profils recherchés ont-ils changé ? 

Le retail a évolué, les commerçants sont passés à la livraison et ont besoin d’agences pour les accompagner dans le développement de nouveaux services. De façon générale, les annonceurs sont demandeurs d’un design à 360°, qui ne concerne pas seulement un aspect comme le packaging mais toute la réflexion générale autour de la marque. Les designers doivent avoir une vision beaucoup plus large, qui inclut le digital et l’international.

Que pensez-vous de l’initiative de la nouvelle présidente de l’ADC en direction des écoles ?

Aux débuts de l’association, on avait déjà une commission éducation qui portait la bonne parole dans les écoles et puis d’autres préoccupations sont arrivées. C’est important d’y revenir car les écoles ont vraiment besoin de mieux connaître notre métier. Pendant longtemps, les marques étaient le sujet des agences de publicité ; aujourd’hui, le design joue un rôle prédominant. Ce n'est pas pour rien si de plus en plus d’entreprises de grande consommation créent leur propre studio de design, comme Pepsico ou L’Oréal. Cela ne signifie pas qu’elles arrêtent de travailler avec les agences, au contraire, elles ont besoin d’un point de vue différent. D’où l’importance d’avoir un regard à 360°.

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