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À l'heure où le baby-boomer est invité à rester plus longtemps dans l'entreprise du fait de la réforme des retraites, il s'interroge sur ce qu'il veut transmettre auprès des plus jeunes. C'est aussi un héritage immatériel.

« OK boomer ! ». Nul n’a oublié la formule expéditive – et un rien méprisante – de la parlementaire néo-zélandaise Chlöe Swarbrick en plein débat sur le dérèglement climatique, en novembre 2019. Par ces mots, c’est toute une génération née du baby-boom (1946-1964) qui s’est définitivement trouvée ringardisée, déconnectée, périmée. Et par leur coresponsabilité dans l’insouciance consumériste des décennies 1980 à 2000, les enfants des années 1970 n’ont pas tardé à se sentir englobés dans le concept. À l’heure où la conscience du gaz (à effet de serre) prime sur la conscience de classe, où le SUV thermique devient une insulte générationnelle et où le « no future » relève plus du rapport comptable que de la punk attitude, il est tentant de définir les « boomers » par ce qu’ils ne sont pas : pas assez conscients des déséquilibres écologiques de la planète, pas suffisamment opposés à un capitalisme de rentier, pas vraiment cools parce que trop égoïstes… Bref, le boomer ressemble beaucoup au looser, au moins en termes de valeurs.

Et si l’on s’intéressait à cette génération dite « senior » sous un angle un peu plus positif ? Deux études récentes se sont penchées dans un cas sur la représentation des boomers et dans l’autre sur la transmission des pères. La première, mise en avant par Canal+ Brand Solutions le 14 décembre, est signée ITV. En partant d’un chiffre Kantar qui montre que seuls 48% des plus de 55 ans se sentent représentés dans la publicité au Royaume-Uni, la chaîne britannique s’est tournée vers la compréhension de cette cible « très facile à atteindre mais très difficile à satisfaire ». Comme le souligne Kate Waters, directrice de la relation client et du planning d’ITV, il ne suffit pas de les montrer à l’écran car ces boomers ont connu de grands changements culturels et sociétaux dans les années 1960 et 1970. « Il faut faire l’effort de les représenter de façon authentique, respectueuse et qui valorise le rôle qu’ils jouent dans la société », souligne l’experte.

«Culture natives»

Pas tellement, donc, par les biens matériels qu’ils ont amassés ou par leur part dans le patrimoine immobilier (60% de la richesse économique du pays tout de même) mais plutôt par les valeurs qui les portent : la liberté, l’émancipation, la connaissance, l'engagement assoicatif, le goût des arts et du spectacle, les voyages, etc. « On parle d’enfants de la culture, ajoute Kate Waters, ce sont des culture natives et non des digital natives. » Il importe donc d’utiliser les médias traditionnels, et pas seulement numériques, pour les toucher en les montrant eux-mêmes « actifs et capables de réflexion ». « La représentation de l’amitié, surtout chez les femmes, est très utile pour montrer que vous comprenez cette cible et pour susciter de l’engagement », ajoute Kate Waters.

La spécialiste constate qu’on a même vu des seniors, sur les écrans britanniques, donner une leçon aux plus jeunes. Impensable avant le covid, où les aînés étaient souvent perçus sous l’angle du reverse mentoring. Mais à l’heure où se profile en France le recul de l’âge de départ à la retraite, les natifs de l’ère numérique ont pu mesurer après plusieurs confinements à quel point il importait de prendre du recul sur la vie de l’entreprise. Ils rencontrent en cela les préoccupations des plus anciens qui s'accomodent très bien du télétravail mais ne veulent être enfermés dans le tutorat ou le mentorat comme « des demi-salariés », comme l'a pointé Benoît Serre, DRH du groupe L'Oréal, dans une table ronde du club Landoy le 19 janvier.

Dans son étude « Transmettre, histoire d’hommes » présentée le 20 septembre dernier, Amaury Média a montré avec Rémy Oudghiri de Sociovision que la question de l’héritage à transmettre n’est plus une évidence fondée sur le seul bien matériel ou patrimonial : « Le fait nouveau, c’est que la transmission devient une question : qu’est-ce que je vais transmettre? », résume le sociologue. Une étude réalisée auprès de 1500 hommes et 500 femmes témoigne d’une grande inquiétude autour de cette question (84% estimant qu’on a de plus en plus de mal à transmettre).

Le sport plebisicité

Alors que le passé a un rôle dans le « façonnage du futur », comme dit Jean-Noël Kapferer, professeur à HEC Paris, la transmission relève davantage d’un choix réfléchi et réciproque. Et si l’école est pour les plus de 65 ans un relais prédominant (59%) sur ce qu’il faut transmettre, il n’est plus que de 45% chez les 50-65 ans, alors même que d’autres valeurs montantes comme le sport prennent de plus en plus de place (39% chez les 18-24 ans). À travers lui, c’est un ensemble de qualités qui sont aussi plébiscitées : l'esprit d'équipe, le respect, l'intégration, le dépassement de soi, la rigueur, ou même l'acceptation de la défaite. Les grands stades ont remplacé les grands-messes d'autrefois.

Résultat, l'héritage que ces pères souhaitent transmettre va en priorité vers des manières d'être, des comportements ou des convictions. Non qu'il soit étranger à tout point de vue financier ou patrimonial : 53% souhaitent transmettre de l'argent ou des biens et 79% pensent qu'il est important de confier à ses descendants un patrimoine matériel ayant traversé l'épreuve du temps. Mais comme le note Daniel Baal, le directeur général du Crédit Mutuel qui a beaucoup misé sur la relation père-fils, 53% déclarent aussi vouloir transmettre une planète propre.

Au fond, la transmission est surtout pour eux une affaire de partage : de moments heureux en famille ou entre amis, d'apprentissages, d'expériences... C'est pourquoi elle n'est pas à sens unique : 69% pensent que les jeunes ont quelque chose à apprendre aux générations précédentes, que ce soit des compétences numériques, des attitudes positives dans la vie ou de nouvelles expressions (ouaich). En étant des repères de moments partagés, les marques s'inscrivent dans cet héritage immatériel. Car l'attachement à la transmission, autrement dit au trait d'union entre le passé et l'avenir, est bien transgénérationnel. Un signe ? 62% des 25-34 ans jugent qu'il est important de donner à ses enfants les prénoms de ses ancêtres, contre moins de la moitié (46%) pour l'ensemble du public.

Chiffres clés

48%

Part des plus de 55 ans qui se sentent représentés dans la publicité au Royaume-Uni (source : Kantar).

84%

Part des hommes qui estiment qu’on a de plus en plus de mal à transmettre (source: Amaury Média/Sociovision).

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