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Du 4 avril au 29 octobre, les Pastiches de presse s’installent à la Bibliothèque François-Mitterrand. Une large sélection de parodies de presse écrite y est proposée, questionnant notre rapport à l’information de façon décalée et humoristique. Stratégies y était.

Le calme de la Bibliothèque François-Mitterrand (BNF) envahit l’Allée Julien Cain où se trouve l’exposition Pastiches de presse. En cette fin de lundi après-midi, le soleil tape ces murs remplis d’histoire de deux siècles consacrés à l’évolution de ces détournements de journaux connus, ou à des faux journaux dans le but de les parodier. Les visiteurs sont nombreux pour ce vernissage et prennent le temps de contempler chacun des exemples reproduits. Certains laissent même échapper des rires. L’exposition, à retrouver du 4 avril au 29 octobre, est gratuite et regroupe principalement des documents issus des collections de la bibliothèque avec 16 panneaux et 250 reproductions proposées dans l’ordre chronologique.

Sophie Robert, commissaire aux côtés d’Aurélien Brossé, revient sur le point de départ de ce travail : « En 2018, nous avons fait une présentation sur les pastiches de Jalons (Groupe d’intervention culturelle). Nous nous inquiétions des réactions, mais finalement la salle de lecture s’est remplie et les gens se sont amusés. Au cours de nos recherches, nous nous sommes rendu compte que c’était intéressant de mélanger les époques, car nous faisions réapparaître les mêmes techniques. En réalisant des entretiens avec certains fabricants de pastiche, nous avons constaté qu’ils ne se plaçaient pas dans une tradition ancienne. Tout le monde a croisé des pastiches de presse, mais les voir réunis de cette façon, c’est assez nouveau. » 

En fonction des panneaux, des personnes s’arrêtent pour lire attentivement les textes qui les accompagnent, certains commencent même à se lancer dans des débats. La première partie rappelle le début de l’ère médiatique avec La Presse, l’un des premiers quotidiens populaires en France fondé par Émile de Girardin en 1836. On peut apercevoir un premier exemple avec le pastiche de Natoo dans Icônne 2, un magazine féminin parodique qu’elle a lancé en 2015 puis 2020, qui reprend la photographie de la comédienne Juliette Beaumaine par l’Atelier Nadar en 1884. L’exposition interroge et questionne : « À l’heure des fake news, comment le faux peut-il être un moyen d’expression ? Que dit le pastiche de notre rapport à l’information et de notre culture médiatique commune ? » Des interrogations auxquelles l’exposition souhaite répondre au fur et à mesure qu’on avance dans ces deux siècles.

Pour qu’un pastiche soit réussi, il faut qu’il reste humoristique et accessible. « Il doit être repérable tout de suite, si ce ne l’est pas, on est alors dans le canular ou quelque chose pour duper. Ça peut être subtil et avoir plusieurs niveaux d’interprétations qui vont nous obliger aussi à se remettre dans la période où le pastiche a été réalisé. Quand c’est un titre qui est détourné, ça peut être un jeu de mots sur le titre qui va donner la tonalité à l’ensemble du pastiche, ou alors juste des photomontages» Un pastiche plutôt amusant dans ce cas de figure parmi tant d’autres est celui sur « Quel candidat choisir en fonction de son signe astrologique ? » réalisé par Jalons.

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Un point intéressant à travers cette exposition est de voir que les pasticheurs ont évolué. « Au 19e siècle et jusqu’au milieu du 20e, c’était uniquement des gens de la profession qui en faisaient. Ça a changé à partir du moment où tout le monde a été dans la capacité de fabriquer son pastiche avec un ordinateur. C’est une autre étape où tout le monde donne son avis sans que ça soit avec des arguments. Les gens ont conscience qu’ils font un pastiche et de la parodie, car s’ils ne connaissent pas l’histoire de la presse, ils ont tout de même des références de parodies de journaux télévisés comme avec Les Guignols de l’info ou Broute. C’est ancré dans notre culture », reconnaît Sophie Robert.

Parmi les visiteurs de l’exposition, le DJ et créateur d’affiches Grandpamini se promène et admire ses propres créations sur le mur. « C’est génial ! Tu sais qu’on ne sait pas qui est l’auteur de celle-ci ? », dit-il à son accompagnatrice en pointant l'affiche du doigt. Certain(e)s auteur(-trice)s restent introuvables. « Dans les contributeurs contemporains, nous n’avons pas réussi à remonter jusqu’à la source pour le pastiche de Elfe. Pour celle de IEL, nous avons mis du temps. Il y a une variété assez étonnante en termes d’intentions et de créations, on voit qu’on peut continuer à faire des choses originales et dans des catégories différentes », précise la commissaire.

La troisième et dernière partie de l’exposition est consacrée à notre ère, et notamment à la période du covid qui a été très enrichissante dans la production de pastiches. Mais comme l'avait abordé l’exposition au début, à l’heure où une publication peut devenir virale sur les réseaux sociaux, où se trouve la limite ? « Des frontières peuvent se brouiller, c’est le cas du document sur la chloroquine – exposé dans cette partie qui avait été repris sur des sites complotistes sans source. Le point important est de ne pas oublier que l’intention centrale est de faire rire et d’amuser avec des pastiches. » 

Alors que la pratique date de deux siècles, pasticher est aujourd’hui un moyen comme un autre de postuler pour un emploi. La commissaire explique que dans « certaines écoles de communication, les élèves font même des exercices en réalisant des premières pages de magazine. La Dépêche du Midi avait même mis en place un outil pour que n’importe qui puisse faire son propre journal. » Autour de l’exposition sont prévues trois soirées les 19 avril, 24 mai et 14 juin, sur les différentes facettes de l’histoire de la presse et du rire. Une exposition grand public qui rend un bel hommage à la presse écrite.

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