Parfois décriée mais toujours largement plébiscitée, la marque italienne a su en un demi-siècle conquérir le cœur des Français avec une recette inchangée et inimitable.

La récente annonce de la pénurie de noisettes turques due aux intempéries, qui représentent 70% de la production mondiale, a poussé la plupart des médias à s'interroger sur la potentielle flambée des prix du Nutella, voire sur une baisse drastique de la production. Mais que les aficionados se rassurent! Le groupe italien Ferrero a depuis longtemps assuré ses arrières en plantant ses propres noisetiers dans diverses zones géographiques pour assurer que le Nutella coule toujours à flot dans les foyers du monde entier. La marque est bien placée pour savoir l'importance des aléas climatiques: elle n'aurait probablement jamais vu le jour si la canicule n'avait pas frappé la région du Piémont en 1949.

 

L'histoire veut que le Nutella — «la» Nutella, pour les puristes – soit le fruit du hasard et qu'un jour de grande chaleur en 1951, le «giandujot», un bloc de chocolat aux noisettes imaginé par Pietro Ferrero, que l'on coupait au couteau et que l'on mangeait avec du pain, se mit à fondre pour la plus grande joie des enfants et… du pâtissier. La pâte à tartiner à la noisette était née.

 

Baptisée Supercrema, la recette s'exporte dès l'ouverture du marché européen en 1957. L'entreprise s'attaque d'abord au marché allemand avant d'acquérir une ancienne usine de filature à Villers-Ecalles, en Normandie. Le produit s'internationalise, le nom se doit donc d'être compréhensible de tous. En référence à son ingrédient principal, la noisette (qui se dit «nuss» en allemand et «nut» en anglais), c'est finalement Nutella qui voit le jour en 1964. En France, c'est sous le nom de la Tartinoise que la pâte se vend au départ, avant d'adopter le nom international en 1965.

 

Depuis, l'Hexagone est devenu le plus gros consommateur de Nutella, avec plus d'un milliard de pots vendus en cinquante ans, mais également le plus gros producteur avec plus de 155 millions d'unités qui sortent des lignes de l'usine normande chaque année. Une passion que Nutella a su nourrir au fil des années, sans changer sa recette (dont l'élaboration est un secret bien gardé) ni son identité visuelle conçue en 1963 par Carmelo Cremonesi et Gian Rossetti, du Studio milanais Stile.

 

Nutella tartine ses slogans

 

La marque entre d'abord dans les foyers avec des packagings utiles, des verres, des coupelles, des chopes avant l'avènement du pot Pelikan, en hommage à l'encrier des stylos plume qui aurait inspiré le contenant que l'on connaît aujourd'hui. A partir de 1970 se cachent même sous le couvercle de nombreux goodies, comme des magnets, des images autocollantes, etc. Une stratégie que finit par abandonner la marque lorsque sa communication se recentre sur l'émotion au début des années 2000.

 

Les premières campagnes de publicité dans les années 1970, signée par l'agence maison Pubbliregia, se veulent très didactiques et pédagogiques. «Les publicités expliquaient ce qu'était le produit, car il n'était pas du tout instinctif pour la plupart des consommateurs», remarque Christophe Bordin, directeur des relations extérieures de Ferrero France. La première publicité télévisée, en novembre 1968, présente ce «délicieux entremet à la noisette, dessert savoureux».

 

S'ensuivent des publicités qui indiquent que la meilleure manière de déguster le Nutella, ce n'est pas à la cuillère façon Bridget Jones, mais bien tartiné sur du pain. Il y aurait même une dose recommandée, mais peu respectée, de 15 grammes. Les slogans se succèdent: «Depuis Nutella, les noisettes, ça se tartine», «Nutella, c'est beaucoup de bonnes choses sur une tartine», «Pain et Nutella, l'union fait la force» etc. Nutella finit par s'installer comme l'incontournable du goûter.

 

Mais bientôt, la communication change de ton. Avec l'arrivée dans les années 1980 de marques qui viennent chasser sur ses terres, Nutella riposte et revendique ses «20 ans d'expérience [qui] feront toujours la différence» en 1984. Les années 1990 annoncent un discours plus nutritionnel basé sur le petit déjeuner, moment essentiel de la journée au cours duquel Nutella affirme fournir aux enfants l'énergie dont ils ont besoin pour leurs activités quotidiennes. La publicité, jusqu'alors conçue en interne par Pubbliregia, passe aux mains de FCB en 1997.

 

La fin de la décennie sonne le glas des démonstrations produit, l'heure est à l'émotion. Les campagnes mettent en avant les «moments Nutella», une mère qui regarde son fils tartiner sa première tranche de pain, mais aussi des ambassadeurs, comme le footballeur Youri Djorkaeff et le judoka David Douillet, et lancent une nouvelle signature, «Chaque jour, du bonheur à tartiner». «Ces campagnes ont commencé à construire des bénéfices émotionnels qui n'existaient pas avant, observe Christophe Bordin. La famille est alors au cœur des communications.»

 

Marque intergénérationnelle

 

L'étape qui suit est probablement la plus marquante et la plus structurante pour Nutella. En 2003, avec l'agence Providence (Havas), la marque crée son premier film institutionnel et propulse sa nouvelle identité sonore avec Glorious d'Andreas Johnson, ainsi que sa nouvelle signature «Il en faut de l'énergie pour être un enfant».

 

Mais désormais Nutella se veut intergénérationnelle. Après des années de bons et loyaux services, cette saga évolue et la marque fait évoluer sa signature pour s'adresser aux jeunes adultes: «Nutella, il en faut de l'énergie pour se lancer dans la vie.» En 2013, exit Andreas Johnson. Nutella surprend en faisant de l'enthousiasme sa valeur centrale sur fond de Jackson Five. «Nous avons mis fin à cette saga avec la volonté de continuer à nourrir la marque Nutella dans l'imaginaire des consommateurs et d'installer une vision positive. D'où la nouvelle signature “Nutella réveille notre enthousiasme”», affirme Yann Bastien, chef de groupe Nutella.

 

Plébiscitée par les Français, la marque n'en est pas moins régulièrement pointée du doigt pour ses inconvénients sur le plan nutritionnel et surtout son utilisation d'huile de palme, décriée pour son impact désastreux sur l'environnement. Elle créée donc la plateforme «Nutella, parlons-en» pour «reprendre la main sur les réponses apportées aux consommateurs dont le volume de questions fluctue selon la visibilité médiatique du sujet», conclut Yan Bastien.

 

Cette année, c'est l'anniversaire de la marque qui a fait les gros titres. Pour ses 50 ans, c'est en grande pompe que Nutella a mis ses consommateurs à l'honneur ces derniers mois. Elle a lancé Nutella Stories, pour recueillir les anecdotes des consommateurs qui les lient à leur pot de pâte à tartiner, et au mois de mai dernier, c'est dans le parc de Sceaux, dans les Hauts-de-Seine, que Nutella a invité ses consommateurs à célébrercet anniversaire autour d'artistes renommés.

 

Chiffres clés

1964. Création de la marque Nutella.

95%. Taux de notoriété spontané (98% en assisté).

1 milliard. Nombre de pots vendus en France depuis sa création.

8. Nombre d'usines dans le monde produisent du Nutella.

53%. Part des foyers français achètant du Nutella au moins une fois par an.

13 grammes. Quantité de noisettes nécessaire pour fabriquer 100 grammes de Nutella.

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