Portrait

À la tête du groupe média Cospirit et candidat déclaré à la présidence de la Fédération française de rugby, Florian Grill est profondément attaché à un localisme qu’il pratique et revendique.

Les arbres aux racines profondes sont ceux qui montent haut. Autant dire qu’avec son physique massif, Florian Grill figurerait dans la catégorie des grands chênes. À la tête du groupe média Cospirit et candidat déclaré à la présidence de la Fédération française de rugby (FFR), le natif de Montpellier prévient : « Je suis très attaché aux territoires et contre cette idée de province qui prévaut à Paris ». Un jacobinisme que le natif de Montpellier combat à travers les activités de Cospirit, le collectif Les Relocalisateurs ou l’univers du rugby, au sein duquel le personnage est apparu aux yeux du grand public en menant l’opposition face à Bernard Laporte, président de la FFR poussé vers la sortie début 2023, en raison d’ennuis judiciaires à répétition. « La notion de local constitue le trait d’union de mon parcours », juge-t-il avec le recul.

Issu d’une famille disposant de vignobles dans l’Hérault - une « prédisposition à la compréhension du temps long » -, Florian Grill s’installe rapidement à Paris. À 11 ans, il se met au rugby en intégrant le PUC (Paris Université Club). Un coup de foudre jamais démenti. Sur le terrain, il évolue comme deuxième ligne et capitaine. « Un poste au service du collectif », résume celui qui finit vice-champion de France Reichel en menant de front son diplôme à HEC Paris. En 1994, en compagnie d’Olivier Delavoye, il crée Cospirit, agence bâtie sur la notion de hors média et de local, qui flaire le virage web. S’ensuivent des années fastes qui voient les effectifs décupler pour atteindre 150 personnes en 2000. Avant l’explosion de la bulle internet et une descente accélérée aux enfers. « Nous avons perdu 80 % de la marge brute en six mois et failli déposer le bilan », retrace celui qui hypothèque ses biens personnels.

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De quoi donner une idée de la résilience de ce père de deux enfants, qui n’oublie pas les exercices difficiles qui ont suivi. « Depuis 2007, la société n’a cessé de grandir et rassemble 230 salariés autour de cette idée que le local est sous-estimé alors qu’il s’agit d’un levier majeur de consommation et d’une richesse pour le territoire national », synthétise le dirigeant. « En travaillant avec plus de 1 500 régies, nos investissements média ont du sens car ils nourrissent les petits acteurs de proximité », appuie-t-il. On l’aura compris : la relocalisation constitue un cheval de bataille pour Florian Grill. Lequel, par l’intermédiaire de Cospirit, est à l’origine en 2021 de l’association Les Relocalisateurs, qui fédère des acteurs phares (France TV Publicité, Dentsu, Publicis Media, 366…) en faveur de la redistribution des investissements publicitaires au profit des médias locaux et nationaux. Sans omettre le réseau international Local Planet rassemblant des agences indépendantes telles que Cospirit dans près de 70 pays.

Comment expliquer une telle foi dans le localisme ? « Il y a eu un avant et un après covid. Mais les annonceurs doivent comprendre qu’ils ont une responsabilité et que le local est un levier de l’attention régulièrement plus adapté et efficace », argue-t-il en appelant à regarder dans les yeux la réalité du marché - dominé par les Gafam - et plus largement du pays, dont « la désindustrialisation s’apparente à un désastre ». Si Florian Grill évoque cette France méconnue des élites, c’est qu’il la connaît pour avoir écumé les clubs de rugby amateurs aux quatre coins du pays, mettant la main à la pâte comme n’importe quel bénévole. « Mon engagement au sein de la FFR s’est fait un peu par hasard via mon fils qui évoluait au sein de l’ACBB (Athletic Club Boulogne-Billancourt) », rejoue cet amateur de bonne chère.

De fil en aiguille, il devient président de club, président de la Ligue Île-de-France puis élu de l’opposition sur la liste de Pierre Camou lors de l’élection fin 2016 opposant ce dernier à Bernard Laporte pour la présidence. Échaudé par certaines « pratiques », Florian Grill s’allie à des grands noms du rugby français comme Jean-Claude Skrela ou Serge Blanco - lesquels se sont désolidarisés il y a quelques semaines pour désaccords stratégiques - afin de monter la liste d’opposition Ovale Ensemble qui, à une poignée de clubs près sur les 1 900 amenés à se prononcer, manque de remporter l’élection face à Bernard Laporte fin 2020. Une campagne virulente marquée par des propos peu amènes. Dans les colonnes du Bien Public, Bernard Laporte n’y était d’ailleurs pas allé par quatre chemins : « Florian Grill, personne ne le connaît si ce n’est sa mère […] ! Lui va parler de rugby avec moi ? Je ne vois pas ce qu’il peut m’expliquer… ». Un résumé grossier de ce qui est reproché à Florian Grill, qui brigue la présidence de la FFR en juin prochain, à quelques encablures du Mondial en France et alors que le XV tricolore enchaîne les succès : son manque de notoriété et son inexpérience du haut niveau.

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« Je suis un no name du rugby, d’où l’intérêt de savoir s’entourer », répond le premier intéressé en faisant notamment écho à Jean-Marc Lhermet, principal soutien sur le volet sportif. Mais au-delà de la guerre entre deux clans que tout oppose, se joue également une certaine idée du sport. « Le modèle basé sur les droits TV et les recettes de partenariats est déjà un modèle dépassé. Il faut faire de la FFR une fédération à mission. Travailler le côté social et citoyen, qui n’est pas antinomique avec la performance », prêche-t-il au sujet d’un « objectif à dix ans ». De quoi monter encore plus haut ?

Parcours

Octobre 1965. Naissance à Montpellier.

Juin 1988. Diplômé de HEC Paris.

1991. Création d’une première société baptisée Business Digest.

1994. Création de Cospirit avec Olivier Delavoye.

1996. Premier plan média digital de Cospirit pour le compte d’American Motors.

Juillet 2012. Élu président de la Ligue régionale de rugby Île-de-France.

Décembre 2016. Élu de l’opposition au sein de la Fédération française de rugby.

Mai 2021. Création du collectif Les Relocalisateurs.

Avril 2023. Se déclare candidat à la présidence de la FFR, vacante à la suite de la démission contrainte de Bernard Laporte.

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