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L’audio revêt-il une valeur unique pour raconter l'histoire patrimoniale des marques ? C’est ce que semblent penser celles qui ont franchi le cap récemment. Immersion dans cet exercice de style complexe mais gratifiant.

La nouvelle étude réalisée par Havas Paris et l’institut CSA pour le Paris Podcast Festival, qui s'est déroulé du 20 au 23 octobre à Paris, dévoile deux chiffres intéressants. En audio, 56 % des Français attendent que les marques parlent d’un sujet qu’elles soutiennent, mais 44 % attendent qu’elles parlent tout simplement d’elles. Il existe donc une place pour l'histoire patrimoniale des marques dans l’imaginaire collectif, alors même que ce format est encore peu demandé.

Les maisons de luxe l’ont bien compris, à l’instar d’Hermès, de Balmain ou encore de la Maison Dior, maîtresse en l’art du podcast avec une collection très étoffée. Depuis peu, ces pionnières du podcast sont suivies par de nouveaux types d’annonceurs. Pour ses 15 ans, Leboncoin a par exemple confié à Binge Audio la réalisation de deux podcasts anniversaires. Pour ses 60 ans, c’est à Mediameeting que la Macif s’est adressée pour imaginer un contenu à vocation interne et externe. Cette année, il y a aussi eu Sofa, une série de six épisodes retraçant les 160 ans d’histoire de Ligne Roset.

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« Le podcast offre un formidable terrain de jeu pour renouveler les récits de marques. C’est d’abord un moyen de recueillir et transmettre la parole de témoins qui ont vécu les évolutions de l’entreprise. L’audio offre de grandes possibilités créatives et son appartenance à l’écosystème digital facilite une accessibilité plus grande que d’autres types de contenus », commente Chloé Tavitian, codirectrice de StudioFact Audio, l’entité podcasts de StudioFact MediaGroup. « Média de temps long, porté par la voix, qui stimule l’imaginaire, le podcast révèle un pouvoir immersif unique », complète Soraya Kerchaoui-Matignon, directrice des contenus marques chez Binge Audio.

Des constats partagés par Château Cheval Blanc, qui a donc choisi le podcast pour se raconter. « Il s’agissait d’explorer un autre moyen de rentrer dans le quotidien de la maison avec profondeur et authenticité. Cet objet de communication offre un univers exclusif que la photo, l’écrit ou la vidéo ne peuvent proposer et qui tranche avec le trop plein de supports visuels qui nous suivent toute la journée », relate Pierre-Olivier Clouet, directeur technique du domaine.

Pour Nawal Hadrami, CEO de Calliopé, agence spécialisée dans le conseil et la création de podcasts de marque, celui-ci sait aussi tenir d’autres promesses, notamment à l’heure de l’omniscience de la RSE. « Face à un consommateur qui exprime une quête de sens accrue, c’est un outil idéal pour raconter la profondeur du savoir-faire d’une marque et ses engagements », explique-t-elle. C’est sur cette opportunité qu’a voulu capitaliser Antoine Roset, directeur marketing de la marque du même nom. « La crise covid a ravivé l’attrait du made in France, de la qualité et de la durabilité, nous poussant à mettre en lumière notre Entreprise du Patrimoine Vivant [label délivré par l'État] qui fabrique, édite et distribue depuis 160 ans en France. Le podcast était idéal pour valoriser cette dimension humaine qui anime le quotidien de nos artisans et employés. »

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D’autres marques parviennent à utiliser le podcast pour fédérer l’interne en valorisant la parole et l’écoute du collaborateur. Un exercice régulièrement pratiqué par l’agence Mediameeting, opérateur de radios et podcasts pour les entreprises, avec des productions telles que Sous les Verrières, créée à destination des 2 500 collaborateurs du Bon Marché, ou encore celles du groupement Les Mousquetaires, produites à l’occasion des 50 ans de la marque pour nourrir le lien avec les adhérents et les chefs d’entreprises du groupement. Mais raconte-t-on une histoire de marque par la voix comme on la raconte dans un livre ou un documentaire ? Non, répond sans hésitation Soraya Kerchaoui-Matignon : « L’audio est un objet de communication qui a ses propres règles pour atteindre l’objectif ultime de l’émotion. La démarche est exigeante puisqu’elle demande de repartir d’une page blanche, en cassant les codes pour se raconter de manière nouvelle. » Une approche confirmée par Chloé Tavitian : « Il faut apprendre à décentrer son brief pour se demander ce que veulent entendre les gens, le podcast n’étant pas un média de flux, mais un contenu qui induit un acte de consommation volontaire. »

Autre essentiel, celui de la stylistique créative. « Une très grande partie de la qualité du podcast réside dans l’écriture, avec des éléments de langage qui diffèrent de ceux de l’écrit, et une rythmique différente. On ne doit donc pas tout raconter mais prioriser des choix éditoriaux ou des détails sans importance qui peuvent faire la différence pour cheminer vers l’immersion », raconte Nawal Hadrami.

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Ces conseils ont été suivis à la lettre par Pierre-Olivier Clouet dans sa collaboration avec l’entité HRCLS (groupe Havas) pour travailler Un Autre Cheval, une création sonore qui a cumulé 60 000 écoutes. « Nous voulions casser l’image intimidante de la marque de luxe pour parler de la terre et des vignes, explique Pierre-Olivier Clouet. Il n’y avait donc ni brief ni posture de marque à respecter, car nous voulions laisser toute la place au travail journalistique pour soulever les vraies questions de notre quotidien et raconter ce savoir-faire soutenu par un collectif de 50 personnes. » Même type de collaboration entre l’agence Radio K7 et Ligne Roset : « Pour laisser la journaliste Aurélie Sfez décrypter au mieux notre écosystème et nos sites de production, nous n’avons émis aucun frein. » Avec 200 000 écoutes, cette sincérité a elle aussi fait recette.

Dernière clé à ne pas négliger, celle du plan média, enjeu naissant pour les marques qui a par exemple conduit l’agence Calliopé à créer un nouveau pôle promotion média. Soraya Kerchaoui-Matignon, très attentive elle aussi à ces enjeux, le rappelle : « L’offre est trop riche pour permettre une émergence naturelle. Comme pour toute autre création publicitaire, le podcast doit être soutenu par un plan de médiatisation puissant ». À tous ceux qui trouveraient le mode d’emploi de ce nouvel objet de communication contraignant, l’étude CSA-Havas Paris du Paris Podcast Festival est, là encore, très claire : un podcast de marque ou d’entreprise a déjà donné envie à 74 % des Français de se renseigner sur ladite marque, et à 69 %, d'acheter un de ses produits ou services. Le jeu en vaut donc bien la peine.

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