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Alors que les consommateurs s’inquiètent de la hausse des prix, les acteurs de la grande distribution renforcent leurs mesures en faveur du pouvoir d’achat, avec des prix cassés et des magasins discount. Un article aussi disponible en version audio.

« Sur le front de l’inflation, 2023 s’annonce tout aussi difficile que 2022, qui s’achève sur une hausse globale des prix de 6,3 % en décembre », annonce l’UFC-Que Choisir. D’après l’Observatoire de l’inflation, conduit par 60 Millions de consommateurs, avec l’institut NielsenIQ, un panier type de 31 produits de première nécessité, principalement alimentaires, a augmenté de près de 14 % entre décembre 2021 et décembre 2022. Dans ce contexte, 81 % des familles françaises se disent inquiètes pour la consommation de leur foyer, 92 % déclarent faire plus attention à leurs dépenses et 34 % indiquent compter « à l’euro près » quand elles vont faire leurs courses, selon des données dévoilées en décembre par E. Leclerc. L’enseigne maîtresse de la communication sur le sujet [avec son « bouclier anti-inflation » dont le principe est une compensation de l’augmentation des prix de 230 produits sur la carte de fidélité E. Leclerc, et auparavant avec « la baguette à 29 centimes »], a mené avec l’institut BVA un Observatoire des nouvelles consommations. 

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« Toutes les enseignes ont mis en haut de la pile le dossier image-prix. Logique. Toutes veulent apparaître comme un rempart à l’inflation à l’heure où les arbitrages des clients se font violents », écrit le journaliste et éditeur Olivier Dauvers sur son blog dédié à la grande consommation. Dans un billet posté le 6 décembre, le spécialiste présente la stratégie de l’enseigne Casino : afficher en magasin le prix d’« un euro symbolique » sur des produits frais, les plus impactés par l’inflation. « Il y a des produits qui psychologiquement vont ancrer l’idée que l’enseigne est moins chère », remarque Philippe de Mareilhac, président de Market Value. Il observe la même chose chez Auchan : le distributeur propose des barquettes de fromage et de viande pour quelques euros, à prix rond. « À chaque crise, un certain nombre d’enseignes redécouvrent les vertus des prix bas. Et, sur une longue période, les enseignes qui ont pris des parts de marché sont celles qui n’ont jamais abandonné ce combat », commente Etienne de Laharpe, directeur des stratégies de BETC Shopper. Les données de Kantar ne montrent pas le contraire : en novembre 2022, le discounter Lidl poursuit son ascension et affiche 7,6 % de part de marché (+0,2 point sur un an). L’enseigne allemande se positionne entre Casino (6,9 %, -0,5 point) et Auchan (8,7 %, -0,4). E. Leclerc continue de dominer le secteur avec 22,5 % de part de marché (+ 0,7 point). L’enseigne est suivie par Carrefour (19,5 %, +0,1), le groupement Les Mousquetaires (16,2 %, +0,2) et Système U (11,7 %, +0,5). 

Fin septembre, Kantar mettait le prix comme critère prioritaire pour les Français, quitte, pour ces derniers, à se rabattre sur des niveaux de gamme moins élevés. « 65 % des arbitrages portent sur des changements de produits, avant de changer de magasins ou d’acheter davantage en promo », notait l’institut d’études. Cela fait écho à la stratégie de développement des marques de distributeurs (MDD), qui permet aux enseignes de réduire leurs coûts, notamment sur le packaging et le marketing, en maîtrisant leurs marges, avec in fine des prix moins chers pour les clients (jusqu’à -30 %) que ceux des grandes marques nationales. D’ailleurs, la recette du succès de Lidl tient en partie à ses marques propres, qui représentent 90 % de ses ventes. Ces derniers mois, les Français se seraient un peu plus tournés vers ce type de produits, la part de marché des MDD atteignant les 25 % (+0,4 point) et celle des marques premier prix, 1,8 % (+0,3 point), toujours selon Kantar. « Les MDD sont sorties de leur périmètre, ce sont elles qui innovent et font avancer le marché. Le bio, par exemple, a explosé en France grâce aux MDD avec des marques comme Bio Village de Marque Repère (E. Leclerc) et Carrefour Bio », affirme Etienne de Laharpe. Quant aux marques premier prix, elles avaient auparavant une piètre image de qualité auprès des consommateurs, ces derniers « n’arbitrant jamais seulement qu’avec le prix », rappelle l’expert. « E. Leclerc n’a pas abandonné sa marque Éco+ mais a retravaillé les recettes pour en faire une entrée de gamme mieux perçue, qui soit nutritionnellement et gustativement correcte », se remémore-t-il. 

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Sur les plates-bandes de Lidl, le distributeur Carrefour se relance sur le créneau des supermarchés discount (après avoir cédé Dia en 2018) avec notamment sa filiale Supeco, importée d’Espagne. En 2019, Market Value a dessiné le concept de l’enseigne pour la France, désormais présente sur le territoire avec 33 magasins. Son modèle est celui du « prêt à vendre », avec une présentation minimaliste des produits, pour la majorité des MDD de Carrefour, et une réduction maximale des frais de services. L’enseigne se distingue par une signalétique simple, en grand format. « On a voulu créer des marqueurs de prix très puissants sur quelques produits emblématiques », justifie Philippe de Mareilhac. De plus, Supeco propose des produits en vrac afin que les consommateurs puissent acheter « la juste quantité qu’il leur faut », précise-t-il. Carrefour a également annoncé l’ouverture en France, à la rentrée 2023, vraisemblablement en Seine-Saint-Denis, de son premier magasin Atacadão, sa filiale importée du Brésil. Il s’agit d’une enseigne de « cash & carry », avec des produits présentés directement sur palettes, qui propose des prix cassés au détail mais aussi en gros : les prix sont dégressifs en fonction du volume. Une stratégie qui répond aux nouvelles pratiques des consommateurs, devenus de plus en plus experts sur la question, via les achats groupés (les unités sont ensuite dispatchées entre proches, amis ou voisins) ou encore le stockage de provisions, qui émerge avec les risques de pénuries. De nouvelles habitudes qui penchent en faveur d’un retour aux packs familiaux et aux politiques promotionnelles par lots.

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