Cahier Transition

Nespresso vient de l’obtenir, Nature & Découvertes, Veja ou Danone France l’ont aussi. Ce label d’origine américaine intéresse de plus en plus d’entreprises. La difficulté à le décrocher et à le garder est un gage de crédibilité. Explications sur la marche à suivre.

Qu’est-ce que B Corp ?

B Corp signifie Benefit Corporation (entreprise d’intérêt pour la société). Le label a été créé aux États-Unis en 2006 par trois entrepreneurs venus du marketing. Comme la loi Pacte, votée en France en 2019, il vise à concilier activité économique et impact positif. Il est représenté par l’association B Lab, dont le siège européen est à Amsterdam et qui dispose d’un bureau français depuis 2019. Près de 5 000 sociétés sont labellisées dans 80 pays, une centaine en France, dont Nature & Découvertes, Veja, Naturalia, Blédina, Volvic, Camif, Laboratoires Expanscience… Nespresso vient de décrocher le sésame en avril. Dans la communication, les agences Utopies, Sidièse, Pixelis ou Team Créatif l’ont déjà obtenu.

J’aimerais que mon entreprise soit certifiée. Que dois-je faire ?

La démarche de certification fonctionne en deux temps : d’abord un questionnaire d’autoévaluation sur internet, le Business Impact Assessment, qui comprend 230 questions permettant d’obtenir jusqu’à 200 points. À partir de 80 points, on peut passer à la phase d’audit réalisée par les experts B Lab. « La note moyenne obtenue est de 55 points, et la moitié des entreprises échouent à l’audit, souligne Elisabeth Laville, présidente d’Utopies, administratrice B Lab France. On recommande à nos clients de se soumettre à l’audit à partir de 90 points, car on peut en perdre dans le processus. » Pour passer le cap, il faut déjà avoir engagé une démarche RSE. Être entreprise à mission procure d’emblée 10 points. « Mais cela ne suffit pas, poursuit Elisabeth Laville. On peut être une entreprise d’insertion et avoir de mauvaises pratiques environnementales. B Corp mesure la cohérence et les conséquences de la gouvernance sur toutes les activités, y compris les parties prenantes. »

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« Il faut apporter des preuves, par exemple la part des revenus générés grâce au bio, la part des fournisseurs locaux… Il faut que le changement de modèle se voie dans les comptes de l’entreprise », précise Benjamin Enault, consultant pour Pixelis. B Corp demande que les entreprises financent des projets à impact à hauteur de 2 % de leur chiffre d’affaires, au-delà du projet 1 % for the Planet. « Le label B Corp est la reconnaissance de notre programme de sourcing lancé il y a près de 20 ans pour assurer la pérennité de l’entreprise, car sans agroécologie, il n’y aura plus de café de qualité, témoigne Hélène Coulbault, responsable communication corporate et RSE de Nespresso France. Notre modèle de recyclage des capsules en aluminium a aussi été considéré comme une bonne pratique. Il a fallu mobiliser 100 personnes pendant plus de deux ans pour réunir toutes les données sur nos 38 marchés. C’était la première fois que B Lab menait un audit d’une telle ampleur. » « La démarche est très exigeante, cela nous a pris deux ans de travail. Nous nous sommes fait accompagner par l’agence spécialisée Haatch, sinon on aurait craqué, reconnaît Benoît de Lavarène, directeur général de Team Créatif. On a dû changer certains de nos fournisseurs. »

Combien ça coûte ?

Le questionnaire est gratuit, les frais d’audit sont de 250 euros. Une fois certifiée, l’entreprise verse une contribution à la communauté en pourcentage de son chiffre d’affaires.

Pourquoi ce label plutôt qu’un autre ?

Il est parfois reproché à B Corp d’être marqué par la culture d’entreprise américaine. Il comporte un critère de représentation des minorités ethniques et sexuelles qui n’existe pas en droit français (il suffit de répondre « non applicable »). Par rapport à d’autres labels comme AB, Fair Trade, EcoVadis, Lucie 26000 ou Great Place to Work, B Corp a l’intérêt d’être un référentiel mondial et de s’intéresser à toutes les responsabilités de l’entreprise : sociales, environnementales, pour elle-même et pour ses partenaires. « La société à mission affirme un engagement a priori, B Corp récompense un niveau de performance a posteriori. Les deux impliquent un changement de statut, mais B Corp vérifie la traduction en actes », résume Elisabeth Laville. « En tant qu’agence présente sur quatre continents, les autres labels nous semblaient trop français, trop déconnectés du business et moins exigeants », estime Benoît de Lavarène. « Si vous êtes une PME purement française, vous pouvez sans doute vous contenter d’autres labels », conseille Benjamin Enault.

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Une fois que je l’ai eu, puis-je le perdre ?

La certification est à renouveler tous les trois ans, et les critères sont renforcés régulièrement. Il est donc possible de perdre le label si l’on ne se donne pas les moyens d’améliorer ses pratiques. Les membres de la communauté s’entraident et partagent leurs expériences. « On a hâte de monter des groupes de travail avec les autres entreprises certifiées B Corp. Ce n’est pas qu’une certification, c’est un mouvement et les grandes entreprises ont un rôle à jouer pour partager leur expérience, comme on l’a fait dans l’agriculture et la collecte de capsules », se félicite Hélène Coulbault chez Nespresso. À son niveau, Pixelis a créé des outils pour aider ses camarades B Corp à communiquer.

Un livre pour en savoir plus

Le cabinet de conseil Utopies est la première société à avoir été certifiée B Corp en France en 2014. Sa présidente, Elisabeth Laville, siège au conseil d’administration de B Lab et accompagne les entreprises dans leur démarche de certification. Elle sort le 24 juin le livre La révolution B Corp, changer l’entreprise pour changer le monde chez Pearson, avec 32 témoignages de dirigeants et une préface d’Emmanuel Faber, l’ancien PDG de Danone.

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