Réseau social
Facebook a reconnu cet automne des erreurs commises dans la mesure d'efficacité des campagnes diffusées sur sa plateforme, dans un contexte où la domination des géants américains sur le marché de la publicité digitale est déjà largement critiquée. Les éditeurs, eux, s’interrogent sur la monétisation de leurs contenus sur le réseau social et la baisse du trafic vers leur propre site. Laurent Solly, directeur général France, répond à toutes ces questions qui fâchent.

Après quelques couacs sur la mesure d'audience publicitaire, comment Facebook a réagi? 

Laurent Solly. D'abord il faut relativiser: sur les 2 800 métriques proposés aujourd’hui sur Facebook, nous avons décelé six erreurs. Mais nous avons tout de suite communiqué pour expliquer ce qu’il s’était passé. Puis nous avons corrigé les erreurs et opéré un nettoyage complet de nos indicateurs. J’ajoute que nous avons créé une plateforme en ligne sur laquelle nous publions nos différentes mises à jour dans ce domaine. Nous nous sommes aussi rapprochés d’acteurs tiers, neutres, pour surveiller nos outils: nous travaillons avec 24 professionnels de la mesure (Médiamétrie, Kantar, Comscore, Nielsen...). Du reste, nous avons annoncé le 13 février dernier que nos outils allaient être audités par le Media Rating Council (MRC). Enfin, nous avons créé au niveau mondial un «global measurement council» qui rassemble toute l’industrie. Je veux également rassurer le marché en rappelant les moyens mis en place par Facebook tous les jours: le pôle «Measurement» en France est constitué d’une équipe de dix personnes. Au cours de l’année 2016, il a réalisé 244 études de mesure de l’efficacité. Bien sûr, nous ne pouvons pas garantir qu’une erreur ne se reproduira jamais, d'autant que les mouvements sont très rapides dans notre secteur... mais nous apprenons.



Mi-janvier, Stratégies publiait une enquête sur la domination des Gafa sur le marché de la publicité digitale. Quelle est votre position?

L.S. Quand on regarde le marché publicitaire mondial, la part de Facebook est d’environ 4%: notre chiffre d’affaires est de 27,6 milliards de dollars (1). Il n’y a pas que Facebook et Google dans cet écosystème. Le succès ne se limite pas à quelques entreprises. Il est partagé par ceux qui font preuve d’innovation, de vitesse et d’écoute de leurs clients. Criteo, une société française, a révolutionné l’industrie de la pub digitale. Webedia est devenu le premier groupe indépendant du digital français... Nous vivons une période de grande transformation, à l'instar de cette formule de Maurice Lévy: «La publicité ne sera plus jamais comme nous l’avons connue.» Le secteur est challengé sur tous ses fondamentaux. La façon dont nous consommons l’information et dont nous communiquons a irrémédiablement changé en dix ans. Les outils de communication des marques se sont transformés: la vidéo mobile, le retargeting, la data... Si les annonceurs se tournent de plus en plus vers les grandes plateformes digitales, c’est parce qu’ils vont s'exprimer là où sont leurs clients.



Les éditeurs s’inquiètent du phénomène de plateformisation des médias. Ont-ils raison de se méfier?

L.S. Facebook n’a pas l’ambition de devenir le média unique, d’abord parce que Facebook n’est pas un média. C’est une plateforme qui met en relation des gens. Certains éditeurs ont parfaitement compris l’évolution des comportements. Au lieu de la considérer comme un risque, ils en font des opportunités. C’est une révolution comparable à la naissance de l’imprimerie. Puisque les gens fréquentent Facebook de façon massive –1,86 milliard d’utilisateurs actifs dans le monde–, nous avons développé des outils pour que les médias puissent publier et éditer convenablement leurs contenus. Du texte, du plurimédias, des vidéos, du live, des outils pour suivre au mieux leurs audiences, etc. Facebook appelle une nouvelle écriture, il faut s’en emparer.

Parallèlement, nous les aidons à monétiser au mieux leurs articles. Instant Articles, format d’article qui vise à fournir la meilleure expérience de lecture possible, a un an d’existence. Depuis, nous avons mené des améliorations constantes: plus d’espaces publicitaires, plus de liens sortants, etc. Le bilan est une meilleure visibilité des articles et une durée moyenne de lecture en augmentation de 20%. Nous ne sommes pas dans une relation d’opposition avec les médias! C’est tout l’inverse. Nous avons construit une relation de partenariat. Ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas de débats, mais nous avançons ensemble. 



Face au fléau des fausses informations sur les réseaux sociaux, quelles mesures avez-vous prises?

L.S. Cette question illustre justement notre proximité avec l'écosystème des médias. Notre initiative de fact-checking pour lutter contre les fausses informations va être déployée dans les prochains jours en partenariat avec huit grands médias français: l’AFP, BFM TV, L’Express, France Médias Monde, France Télévisions, Libération, Le Monde et 20 Minutes. Ce n’est pas le rôle de Facebook d’être l’arbitre de la vérité. Nous avons donc souhaité, aux États-Unis, en Allemagne et en France, nous associer à des structures qui possèdent des équipes internes spécialisées dans la vérification des faits. Notre outil permet aux utilisateurs de signaler des contenus leur paraissant relayer de fausses informations. De leur côté, les médias ont accès à une interface où les contenus remontent en fonction du nombre de signalements. Lorsqu'une publication sera qualifiée de fake news par deux des organisations partenaires, elle ne sera pas censurée, mais étiquetée d’un pictogramme. En outre, ce contenu ne sera plus affiché en priorité et ne pourra plus être monétisé.



Que répondez-vous aux critiques formulées à l'encontre de l’algorithme qui régit le newsfeed?

L.S. On nous demande surtout d’être le plus transparent possible dans les changements opérés sur l’algorithme. Et nous entendons cette demande. La plateforme devient de plus en plus riche et complexe. Les outils pour communiquer sont de plus en plus nombreux. À l’instar de la vidéo, qui n’existait pas il y a deux ans. Notre travail reste de construire la meilleure expérience possible pour les membres de Facebook. Et pour cela, nous améliorons régulièrement l’algorithme qui gère le fil d'actualité. Du reste, nous annonçons publiquement ces différentes modifications, comme les mesures pour éviter les titres «pièges à clics», il y a six mois. Informer nos partenaires sur le fonctionnement de Facebook, Instagram ou encore Messenger, c’est notre mission au quotidien: à quelle heure publier tel contenu, comment faire une bonne accroche, un post engageant, une bonne vidéo... Via des formations, des webinars, des événements dans nos locaux ou chez nos clients.

 

(1) Le chiffre d'affaires du marché de la publicité mondiale est estimée à 548,2 milliards de dollars, selon les prévisions de Carat. La part du digital est de 27,7%. 

Facebook bat la mesure en France

Le réseau social va proposer à ses partenaires la mise en place d’un «Measurement Council» en France. Une structure qui va rassembler un certain nombre d’acteurs issus des grands instituts de mesure, à l'instar du CESP (Centre d'étude des supports de publicité), des agences médias (Group M, Publicis...), de grands annonceurs (LVMH...), etc. «Avec l’évolution et la complexification des comportements médias, les sujets de mesure animent toute l’industrie. Le Measurement Council sera un club de réflexion et de travail. Il adressera les problématiques d’efficacité avec des sujets tels que les enjeux des complémentarités média, d’efficacité court terme et long terme ou encore les liens entre veiwability et efficacité», détaille Laurent Solly. Ce groupe de réflexion se réunira au minimum deux fois par an pour un ordre du jour choisi à l'avance parmi tous ces sujets.

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