Médias

154 journalistes vont perdre leur poste à la chaîne d’info européenne, soit 90% de la rédaction du siège, à Lyon. Le plan, qui vise à réinventer un média, passe par de très lourdes suppressions d’effectifs.

« Un coup de massue, de la sidération et l’impression d’avoir été flouée, menée en bateau… » : c’est en ces termes qu’une déléguée syndicale décrit l’état d’esprit à Euronews après l’annonce, le 1er mars, d’un plan de suppression de 198 postes sur les 400 que compte l’entreprise en 2023. Selon nos informations, le projet est particulièrement dur pour les journalistes puisqu’au siège, à Lyon, ils seront 154 sur 171 à perdre leur poste, soit 90% des effectifs de la rédaction. À la demande de son actionnaire, le fonds portugais Alpac Capital, Euronews a mis en vente ses 10 000 m2 de locaux dans le fameux cube vert pomme du quartier de la Confluence. Il s’agit donc, au sens propre, de vider les lieux, même s’il faudra attendre la fin 2024 pour voir les 140 personnes qui y resteront quitter le siège.

Car l’objectif est de mener à bien une sorte de reformatage d’Euronews hors de ce cube multilingue aux trente nationalités. Le média est en effet appelé à se redéployer sur une rédaction augmentée de 70 journalistes à Bruxelles (15 actuellement) et sur six bureaux à Paris, Londres, Berlin, Rome, Madrid et Lisbonne, pour lesquels 50 personnes seront recrutées. Lyon devra se contenter d’un siège beaucoup plus modeste. Les reclassements ne pouvant se faire qu’en France depuis une ordonnance de 2017, les salariés perdant leur poste ne seront pas prioritaires à Bruxelles ou ailleurs. Les services en anglais, en espagnol, en allemand, en italien ou en portugais, seront alors intégralement supprimés. Les journalistes russes et iraniens pourront en partie rester mais le sort des Turcs n’est pas réglé, leurs ressortissants étant promis à la prison en cas de retour en Turquie.

En attendant, la diffusion des programmes du week-end ne se fera qu’en anglais. Tous les postes en régie disparaîtront de même que les services montage, production, graphisme ou mixage. Les syndicats vont négocier autour d’une extension de la convention collective des journalistes de façon à faire bénéficier d’un mois de salaire par année d’ancienneté les non journalistes. « Il y a en général vingt ans d’ancienneté, cela va leur coûter cher et on va agir », glissait une source syndicale. La mobilisation des politiques européens se fait, pour l’heure, attendre.

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C’est aussi un nouveau contenu qui se profile. « Plus proche des professionnels, des lobbyistes et des décideurs », résume-t-on en interne. Le risque ? Plutôt que de « mettre Euronews au centre du débat européen », comme l’a promis le patron d’Alpac, Pedro Vargas David, le média pourrait devenir très proche des milieux bruxellois qui gravitent autour de la Commission européenne. Une façon de faire face à 180 millions d’euros de pertes en trente ans, dont 150 au cours des dix dernières années, et 20 millions en 2022. Car le désengagement de télés nationales a un coût : 5 millions d’euros net en moins par exemple avec la fin des subventions turque et ukrainienne. Il deviendrait alors plus facile de convaincre la Commission d’augmenter sa subvention, passée de 42 millions à 20 millions en dix ans, et qui pourrait encore se réduire à 12-13 millions l’an prochain. Tout comme de faire revenir les annonceurs du Golfe qui ont réduit leur pub depuis le covid.

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