Télévision

En mettant fin à leur projet de fusion, les actionnaires des deux groupes, Bouygues et RTL Group, ont pris acte de leur incapacité à convaincre l’Autorité de la concurrence.

Nicolas de Tavernost, le patron de M6, avait prévenu en janvier : « Si on nous dit qu’on a le droit de se marier mais qu’on doit faire chambre séparée toute notre vie, alors nous n’irons pas ». Pourtant ce n’est pas la séparation des régies qui a été au cœur de la rupture des fiançailles mais l’impossibilité pour la chaîne M6 de faire partie de la noce. L’Autorité de la concurrence n’a pas considéré comme relevant du même marché « pertinent » une approche prenant en compte les acteurs de la publicité digitale comme YouTube ou Facebook ou, dans une perspective concurrentielle future, les plateformes comme Netflix ou Disney+, qui prévoient de s’ouvrir à la publicité. À elles deux, les régies occupaient les trois quarts du marché de la télévision gratuite. L’Autorité a donc estimé que seule une vente de M6 ou de TF1 rendait possible un mariage.

C’est ce qui a fait dire à Gilles Pélisson, PDG de TF1, dans un message à ses salariés dès l’annonce de l’échec du projet, le 16 septembre : « l’Autorité ne partage pas notre analyse, notamment sur l’horizon de temps qui impacte notre environnement ». Son président Benoît Cœuré a évoqué dans Les Echos des « risques concurrentiels importants » sur « les marchés de la télévision par les revendeurs des bouquets de chaînes et, dans une moindre mesure, de l’acquisition de droits ». Pour la publicité, le collège a pointé des risques de « hausse des tarifs » et de couplage entre TF1 et M6, car même si les deux groupes avaient proposé de séparer leurs régies, cette séparation aurait été « artificielle ».

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Après 16 mois de fiançailles et 100 millions d’euros de frais de lobbying et d’avocats, les quatre acteurs du projet, Bouygues, RTL Group, TF1 et M6, réfléchissent donc à des stratégies alternatives. Le groupe Bouygues, chef de file de l’opération, a évoqué dès avril un « plan B ». Gilles Pélisson a rappelé « l’engagement total » de son actionnaire et combien ses fondamentaux étaient « solides » avec des fictions comme Les Combattantes, ses rendez-vous d’infos, MyTF1 ou l’essor de Newen qui a multiplié par trois son CA en quatre ans. Surtout, « notre groupe est en bonne santé », a-t-il écrit, avec une marge de 20,6% au deuxième trimestre, ce qui ne laisse pas augurer un besoin immédiat de réduction des coûts. Le renforcement dans les contenus et l’accélération de la plateformisation – avec MyTF1, l’Avod et le service sur abonnement TF1 Max - sont donc au menu. De plus, les 160 millions d’euros tirées de la vente de Unify et Gamned, ajoutés aux 641 millions d'euros qui devaient être investis dans l’opération, peuvent permettre des acquisitions. Le serpent de mer d’un rapprochement avec NRJ pourrait ressurgir.

Du côté de RTL Group, le temps presse car l’autorisation de M6 prendra fin le 3 mai, interdisant alors toute vente pendant cinq ans. Les candidatures au rachat doivent être déposée avant la fin de la semaine. Le groupe espère boucler dans les temps son processus de cession. En cas de prolongation, il attand un changement de réglementation pour sortir de la nasse. « Nicolas de Tavernost est très déçu, mais il est aussi très courtisé », dit un de ses proches. Parmi les acquéreurs potentiels, reviennent Daniel Kretinsky, Mediaset, Altice, Xavier Niel et, de plus en plus, CMA CGM présidé par Rodolphe Saadé, que le gouvernement verrait bien s’impliquer davantage dans la souveraineté française.

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