Dix ans après l’adoption du mariage pour tous, la visibilité des personnes LGBT+ dans les médias et les communications des marques reste un sujet qui divise les Français. Et si les marques et les médias n’avaient pas encore compris comment faire ?

L’opinion des Français sur la visibilité LGBT+ dans les médias permet de les répartir en trois catégories, que nous pourrions qualifier de «supporters», de «mitigés», et enfin de «réfractaires». Les études mettent en évidence une moitié de la population qui s’érige en «supporters». Leur point commun est le rejet, d’emblée, de toutes les formes de discrimination : ils adoptent un discours d’adhésion totale par principe. Pour eux, la représentation LGBT+ fait partie des sujets de société qui méritent l’engagement de tous, voire le combat.

Pour eux, il faut briser les tabous en ouvrant la discussion, refléter la réalité pour montrer une image plus «honnête» de la société. Déconstruire les stéréotypes en donnant une image moins simpliste. Ce sont les plus réactifs aux manifestations perçues comme homophobes ou à l’indifférence des personnalités publiques. Ils y trouvent la démonstration que «rien n’est acquis». Pour eux, l’enjeu est aujourd’hui, et notamment en termes de communication parce que la force d’inertie de la société et ses résistances impliquent plus d’énergie. Ils ont de grandes attentes de la part des médias et des marques, qu’ils veulent reflets de cette évolution des mentalités, et soutiens de la cause.  

Entre ces supporters et les réfractaires se trouvent les «mitigés» qui représentent environ un quart de la population. Pour eux, il n’est pas inutile de créer les conditions pour lutter contre les discriminations, mais cela ne doit pas passer par la visibilité, sous réserve du risque d’une hyper-segmentation de la société. Attachés à l’égalité, opposés à la «discrimination positive», ils ne comprennent pas pourquoi les LGBT+ devraient faire l’objet d’une attention particulière au titre de communauté, dans un contexte où d’autres priorités, climatiques ou sociales, s’imposent. Les mitigés en arrivent à la conclusion que rendre plus visible cette communauté spécifiquement est contre-productif : ils encouragent l’exercice du libre-arbitre.  

Enfin, il y a toujours un quart des Français qui font partie des réfractaires : ils sont viscéralement opposés à la visibilité LGBT+. Les plus radicaux rejettent le fait de voir les marques et les médias valoriser cette communauté et expriment leur inquiétude morale à l’égard de ce qui serait pour eux de l’ordre de la «perversion» voire de la menace. Cela s’inscrit selon eux dans une logique de dénaturation de la normalité majoritaire, par les revendications de minorités, qui voudraient imposer leur vision.

Les communications publicitaires, plus encore que les programmes télévisés, semblent particulièrement intrusives aux réfractaires et même à certains mitigés en faisant irruption dans un écran. Remarquons également que les mitigés ou réfractaires peuvent aussi être des LGBT+ qui peuvent se sentir stigmatisés et blessés d’être ainsi mis en lumière, parfois de manière très stéréotypée.

Vers des représentations justes, pertinentes et cohérentes

Une bonne connaissance de ces groupes de population est incontournable pour tous ceux qui évoluent dans l’espace médiatique et, en général, s’adressant à des publics larges. La conversation à engager repose alors sur trois axes que sont la justesse, la pertinence et la cohérence. La justesse, pour ne pas revenir aux stéréotypes associés aux LGBT+ mais en donner une représentation authentique, un point essentiel aux yeux des supporters pour accélérer la création d’une société vraiment inclusive. La pertinence ensuite, pour ne pas donner l’impression que la visibilité LGBT+ est quelque chose d’exceptionnel ou spectaculaire. Et derrière cette notion de pertinence, il y a celle du sens, de l’intention. Ce qui définit un personnage dans une série ou une publicité, ce qui lui donne son identité, est-ce qu’il est LGBT+ ou qu’il est policier, par exemple ? Si l’on attire l’attention sur le genre ou la préférence sexuelle, mieux vaut assumer une attention claire et bien dosée.

La cohérence doit intervenir également pour ne pas donner l’impression que les marques ou les médias saisissent le prétexte des LGBT+ par opportunisme commercial avec l’objectif de s’adresser à de nouvelles cibles : les supporters sont particulièrement sensibles à l’engagement et au positionnement sincère des marques et des médias, sur les sujets marketing, publicitaire, mais aussi politiques ou RH, et sur la posture interne des entreprises.

La publicité et la communication, comme les médias, peuvent jouer un rôle majeur pour aider à changer les normes sociales et promouvoir une représentation des minorités plus conforme à la réalité et plus égalitaire. A l’inverse, toute caricature ou stéréotype se transforment en écueil, avec un double risque, être taxée d’opportuniste ou susciter aucune adhésion, voire générer un rejet (comme l’exemple récent des Etats-Unis sur une marque de bière reconnue et boycottée pour avoir choisi un partenariat avec une influenceuse LGBT+). De plus, les discours doivent être en phase avec les engagements («faire ce que l’on dit» étant devenu incontournable pour la crédibilité des marques). Justesse, pertinence et cohérence ne peuvent en tout cas se faire l’économie de valider et tester les messages, avec toutes les cibles.

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