Chronique

Notre société supporte-t-elle encore son reflet ? Loin de se contenter de pointer du doigt les manquements aux règles de la communication responsable, le collectif « Pour un réveil écologique » dénonce le décalage entre les objectifs écologiques de notre société et les propositions marchandes des entreprises. 

Regardez-les nous allumer. Régulièrement, intelligemment, frontalement. Qui ça ? Les jeunes du mouvement « Pour un réveil écologique ». À l’origine, il s’agit d’étudiants lançant un appel. Un appel à se réveiller face aux crises écologiques cataclysmiques annoncées par les scientifiques. D’où le nom de leur collectif. Très vite, leur alerte fait boule de neige… d’autres appels suivront (largement relayés sur les réseaux sociaux). La plupart sont des élèves de grandes écoles sans expertise en communication mais qui, rapidement, décident de dénoncer les messages de communication écologiquement contestables. Ils créent un calendrier de l’avent du greenwashing, en débusquent « les perles » et les rendent publiques. Leur méthode : aller sur les comptes LinkedIn des grandes entreprises, des grandes marques, regarder le maximum de messages, et traquer, déminer, dénoncer… ! Et ça marche. Ils sont repris, partagés, encouragés… Leur communauté se développe et leur champ d’interventions aussi.

Mais ce qui me trouble et m’interpelle c’est que nous ne sommes plus seulement dans la dénonciation des manquements aux règles de la communication responsable que nous avons instaurés, débattus, défendus et que nous continuons à faire évoluer et à enseigner. Ce que ce collectif pointe, ce sont, parfois, les activités elles-mêmes des entreprises interpellées, sur le décalage entre les objectifs écologiques de notre société et leurs propositions marchandes. Ce n’est plus la définition du greenwashing 1.0.

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S’ils révèlent (et c’est tant mieux) les promesses disproportionnées, les formules globalisantes, les allégations trompeuses, l’utilisation excessive de visuels « verts », ils dénoncent aussi la « toxicité » de certaines industries, de certains produits ou services. C’est une différence très importante, voire radicale (sans jugement de valeur accolé à ce terme par quelques-uns) : on n’est plus dans la vigilance sur la véracité, la sincérité, mais dans la remise en cause du droit de promouvoir. Du « licence to operate », au « licence to advertise ». Ce glissement d’acception du terme « greenwashing » est très interpellant pour un vieux de la vieille du sujet.

Notre société supporte-t-elle encore son reflet ? La publicité a toujours été son miroir et cette remise en cause interroge les fondements même de nos activités. J’ai souvent dit et écrit que si un produit est nocif, il faut l’interdire et non interdire sa promotion. Qu’il faut sortir d’un jésuitisme confortable qui donne aux pouvoirs publics le faux-semblant d’agir tout en ne réglant rien. Ces nouveaux interlocuteurs ne sont pas des blancs-becs que nous pourrions mépriser. Parmi ces étudiants, certains ont des bagages scientifiques considérables et un regard assez affûté sur les enjeux écologiques. Quand ils voient un message avec des objectifs annoncés CO2, ils savent dire si c’est vrai ou non, faisable ou infaisable. Leurs discours sont étayés et doivent être considérés. Ils véhiculent, en fait, les rapports des experts du Giec qui ne peuvent être considérés comme des extrémistes punitifs mais des scientifiques aguerris et indépendants.

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Alors comment leur répondre ? Devons-nous sortir le lance-flamme, comme on l’a beaucoup fait face aux critiques ? Les taxer de « radicaux », réduire leur travail à ce qu’il a de discutable et ergoter sur tel ou tel flottement dans leurs critiques pour les discréditer ? Si nous voulons vraiment améliorer profondément et efficacement nos pratiques de communication, nous devons respecter le travail de contrôle et d’alerte qu’ils publient (sans doute le soir, le week-end, et pendant les pauses). Doit-on les écarter comme des trolls ou les regarder comme des débogeurs hyperinvestis, qui plus est bénévoles, au service de notre profession ? La réponse est un peu dans ma question. Mais envisager une critique comme un cadeau n’est pas forcément le réflexe premier. Cette fois encore, montrons-nous capables de dépasser nos réflexes, d’écouter en profondeur, et de voir loin.

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