Tribune
Trop souvent, les start-up sont réduites à leurs valorisations vertigineuses malgré des pertes abyssales. C'est oublier que chiffre d’affaires et profitabilité restent les métriques au cœur du développement à long terme des start-up.

Le monde entier est fasciné de manière quasi-obsessionnelle par les licornes, ces entreprises naissantes aux valorisations vertigineuses. La pression médiatique récente met le doigt sur une réalité : la valorisation est une chose, la rentabilité en est une autre. Certes, les multinationales, mastodontes globalisés, ont moins le vent en poupe dans l’inconscient collectif. La mondialisation heureuse a vécu. Le too big to fail aussi.

Face à un modèle plus classique d’entreprise, avec ses contraintes formelles, son organisation pyramidale, ses process et son obsession pour le profit à tout prix, le modèle des start-up séduit et semble d’imposer comme un modèle d’avenir, une nouvelle manière de voir la création de valeur et le lien social en entreprise. Pour autant, il convient de garder la tête froide et ne céder ni aux sirènes des valorisations stratosphériques qui laissent imaginer un Eldorado (re)découvert, ni à celles pointant depuis quelques semaines du doigt le modèle même de financement des start-up. Quel que soit le point de vue, il faut cesser de caricaturer les start-up !

Les start-up sont-elles finalement un modèle ? Une fin en soi ? Elles constituent sans conteste une phase dans la vie de l’entreprise. La fascination pour les entreprises ayant effectué de conséquentes levées de fonds est indéniable, forme de fascination des foules pour les gros chiffres. Paradoxe maintes fois signalé, les licornes affichent à la fois valorisations vertigineuses et pertes abyssales. Mais la réalité est peut-être ailleurs.

Atteindre la profitabilité

On semble parfois oublier que chiffre d’affaires et profitabilité restent les seules vraies métriques à l’aune desquelles mesurer à long terme, non seulement la solidité mais aussi la légitimité même de l’existence d’une entreprise. La vie d’une entreprise suit un cycle relativement immuable : sans profitabilité, pas de création de valeur financière, et donc pas d’investisseurs, pas de capitaux (propres ou dette) pour lancer une activité risquée. Sans financement externe d’activités risquées, peu d’innovation possible, si ce n’est du côté de ceux qui peuvent se permettre de la financer en propre. Enfin, sans vraie capacité d’innovation possible pour des entrepreneurs ne possédant pas déjà les moyens de la financer, la capacité d’innovation reste inaccessible au plus grand nombre. C’est alors la certitude que l’innovation restera l’apanage de ceux qui occupent déjà le marché et n’ont par conséquent que peu intérêt à innover.

Être capable d’atteindre la profitabilité, c’est prouver que le risque initial méritait d’être pris. Ne pas être capable d’être profitable et être pour autant valorisé à des montants significatifs, beaucoup vous diront aujourd’hui que c’est insensé. Mais est-ce vrai ? Les discussions récentes à cet égard sur «le bullshit des start-up» (voir Challenges du 7/11/2019) sont ambivalentes. Je le dis d’autant plus sincèrement que Comet Meetings, l’entreprise que j’ai fondée il y a 3 ans avec Nicholas Findling et Maxime Albertus, est rentable. Ceci n’est pas un exercice de justification, mais un appel au discernement.

Horizon raisonnable

Evidemment, les détracteurs des start-up ont raison sur le fait que la profitabilité est parfois un indicateur non-prioritaire, voire oublié par les entrepreneurs. Il faut viser la profitabilité à un horizon raisonnable afin d’être légitime économiquement dans le fait de mettre des capitaux à risque. Ils ont tort cependant d’appliquer ce même court-termisme à toutes les start-up. Un projet très tech pourra par exemple nécessiter un temps de développement et de test plus long, potentiellement très coûteux, avant de créer le raz-de-marée tant espéré grâce à une innovation de rupture.

Un projet moins tech et plus vite profitable pourra également choisir de réinvestir ses profits dans sa croissance afin de prendre des parts de marché à vive allure et d’apporter son innovation au plus grand nombre. Un autre projet pourra enfin chercher une rentabilité autre que purement financière, mais sociale : on pense alors à des projets à impact, dans lesquels la recherche de profitabilité cède parfois sa place au souhait d’être à l’équilibre mais tout en participant à une vraie amélioration à la société. La profitabilité est alors seconde.

On mesure d’ailleurs à quel point des indices comme le next40 ou le FT120, pilotés par le gouvernement, sont essentiels pour donner de la visibilité aux start-up disposant du meilleur potentiel. Ces indices pondèrent des données objectives avec une approche en termes d’impact comme a pu l’illustrer l’initiative Tech for Good par exemple. C’est un premier pas pour cesser de caricaturer les start-up…

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