Tribune
L'essor du vocal ces dernières années ne doit pas nous faire oublier le risque qu'il y aurait à laisser ces technologies à des acteurs étrangers. La France dispose d'un vrai savoir-faire et d'un écosystème riche, il est urgent de le soutenir.

Les technologies vocales sont au cœur de nombreuses innovations parties à la conquête du public et des entreprises ces dernières années. Depuis le lancement d’Alexa à l’été 2018 en France, le marché des assistants vocaux croît de 25% par an. On prévoit huit milliards d’assistants vocaux en circulation dans le monde d’ici 2023. Cette année, on a vu Clubhouse passer en deux mois d’un à dix millions d’utilisateurs et, en huit mois, d’une valorisation de cent millions à un milliard de dollars.

Ces dernières années, on a beaucoup parlé de la fin de la voix et de la montée du texte. La réalité est plus complexe : le monde numérique a participé à l’apparition d’une multitude de nouveaux canaux de communication et démontré que l’être humain est prolixe. Les progrès des technologies vocales – reconnaissance vocale et synthèse vocale – ont donc naturellement donné naissance à une prolifération de nouveaux services vocaux.

Dans ce contexte, les technologies vocales deviennent clés dans la création des interfaces homme-machine de demain. Imaginez la situation si la décision de la réponse à donner à la question posée – par exemple, quel est le meilleur produit pour faire disparaître une tâche ? – était laissée à un ou deux acteurs seulement. La création d’un monopole des Gafam, ou de tout autre acteur, risquerait de désintermédier les acteurs français et européens. Ceci concerne aussi les laboratoires de recherche : faute de moyens pour eux dans ces domaines, leurs doctorants risqueraient de partir vers des acteurs privés étrangers, faisant perdre à la France l’avance qui, jusqu’à récemment, était la sienne.

Une place de marché pour la France et l'Europe

Forts de ce constat, nous devons développer des projets transversaux, qui associent acteurs institutionnels, comme des universités ou des laboratoires de recherche, et entreprises privées, qu'il s'agisse de start-up, PME, ETI et grands groupes, dont l’intérêt commun serait de constituer un écosystème indépendant pour permettre à la France et à l’Europe de rester compétitives sur le marché de la voix au niveau mondial. C'est le sens de la création de l'association Le Voice Lab, dont l'objectif est de créer une place de marché qui permette à l’ensemble de ces acteurs de collaborer. L’enjeu pour l’écosystème français est de permettre aux acteurs économiques et publics de maîtriser le développement de l’industrie de la voice-tech, de garder un secteur de recherche public de qualité, de faire en sorte que la richesse de la langue française puisse s’exprimer aussi dans sa forme numérique. Tout cela repose sur la possibilité pour l’ensemble des acteurs de disposer de données riches, qualifiées et travaillées pour entraîner les intelligences artificielles qui construisent les services vocaux d’aujourd’hui et de demain.

La France dispose d’un écosystème riche mais fragmenté. Il est essentiel pour l’avenir de notre économie qu’on permette aux Français de trouver des opportunités locales qui leur permettent de contribuer à son enrichissement tout en faisant émerger parmi eux des acteurs à vocation mondiale. Nos sociétés savent créer des voix artificielles, pour la médecine ou pour des marques, développer des bots vocaux pour les services clients ou pour l’accueil téléphonique, analyser la voix pour reconnaître les émotions et détecter l’identité. Il est important que ce savoir-faire soit reconnu, préservé et soutenu. C’est dans ce but que la BPI a accordé à l’association une aide de 4,7 millions d'euros destinée à l’aider à construire une base de données de plus de 100 000 heures en langue française, de manière à faciliter la construction des services vocaux de demain. La question d'une souveraineté vocale est en jeu.

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