Tribune
L'internet tel que nous le connaissons est à un tournant critique. L’équilibre fragile permettant aux éditeurs de fournir des contenus gratuits est menacé. Il est temps d’agir.

Nous nous sommes habitués à l’idée qu'internet est une mine inépuisable d'information et de contenus provenant d'une multitude de sources, le tout entièrement gratuit et accessible à tous à l’aide d’une simple connexion. Mais le pilier sur lequel repose cet internet gratuit et ouvert n'est pas l'altruisme. Pour permettre aux internautes de disposer gratuitement des contenus et aux éditeurs d'en supporter les coûts, ces derniers monétisent leurs audiences en donnant aux annonceurs accès à leurs inventaires et en partageant des informations sur les profils de ces audiences. Cet échange de valeur a été au cœur de la stratégie digitale de nombreux éditeurs et leur a permis de s’adapter aux changements d’habitudes de consommation des médias.

Mais aujourd’hui, nous nous trouvons à la croisée des chemins, car la base de cet échange, le fameux cookie tiers, va lentement disparaître et l'internet ouvert risque de « devenir aveugle ». Les inventaires des éditeurs sur les adexchanges pourraient être dévalorisés et une série de difficultés techniques pourraient surgir aussi bien pour les éditeurs que pour les annonceurs. Cela renforcerait des inégalités déjà très présentes, même si la disparition des cookies tiers repose sur une initiative positive, à savoir une meilleure protection des données personnelles des internautes.

Internet ouvert contre « jardins clos »

Alors que les éditeurs d’un internet gratuit sont en train d'être privés de leur capacité à monétiser équitablement leurs inventaires, les géants de l’adtech, ces « jardins clos » qui captent déjà une large portion des dépenses publicitaires, profitent massivement de la diffusion des contenus produits par les éditeurs. En parallèle, ils ne donnent accès à leurs services qu’aux internautes qui sont logués et ont consenti à l'utilisation de leurs données, ce qui offre aux annonceurs un moyen facile d'atteindre un public très ciblé à grande échelle. Ces « jardins clos » pourraient donc renforcer leur position dominante tout en compromettant l’avenir des éditeurs.

En parallèle, un certain nombre d'acteurs de l’adtech travaillent déjà sur des solutions alternatives pour préserver le fonctionnement de l’internet ouvert, et permettre aux éditeurs ainsi qu'aux annonceurs de continuer à y prospérer. Au cœur de cet effort se trouve la conviction selon laquelle les internautes doivent continuer à contrôler l’accès à leurs données.

L’obstacle principal, c'est l’accessibilité : alors que les « jardins clos » offrent aux annonceurs des outils très simples pour toucher des millions d'utilisateurs, la publicité dans un internet ouvert a longtemps été un processus manuel complexe. L'essor de la publicité programmatique a simplifié ce processus, mais, à ce jour, les annonceurs ou leurs agences doivent souvent passer des dizaines d'heures par mois à configurer et à optimiser leurs campagnes. Les nouvelles technologies permettront certainement de lever cet obstacle qui n’existe pas dans l’écosystème restreint et, d’une certaine manière, plus simple des « jardins clos ». Cela pourrait inciter les annonceurs à dépenser leur budget là où il contribue à financer la production de contenus originaux.

Nous n'en sommes qu'au début : si l'internet ouvert veut prospérer, les dépenses publicitaires devront être redistribuées plus équitablement entre les « jardins clos » et les producteurs de contenu, les journalistes, les bloggeurs, et tous ceux qui font d'internet la source d'information, de divertissement et d’évasion sans frontières qu'il est aujourd'hui. Tous ensembles, dans le cadre d’une collaboration transparente, nous pouvons relever le défi d'un avenir sans cookies tiers et qui préserve ce bien précieux qu'est l'internet ouvert. Nous devons agir en conséquence, sans attendre.

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