Vous vous rendez compte ? l’humanité a maîtrisé une pandémie mondiale. Ce n’est pas gagné, certes, contre les virus, la victoire est rarement totale, mais nous avions un ennemi de taille : notre défiance, notre indiscipline, notre difficulté à nous coordonner et je ne parle pas que des irréductibles Gaulois, je parle de l’humanité. En termes de changements de comportements – sujet clé des communicants –, et face au défi écologique et climatique, qu'est-ce que ça dit de nous ? de nos capacités « d’éviter le mur » ?
Une idée largement répandue veut que nous soyons congénitalement court-termistes et indécrottablement individualistes. La Covid a fait mentir cette idée. On a relativement joué le jeu, renoncé à une quantité de consommations (de voyages, de bonnes bouffes, de cinoches, etc.) et adapté nos modes de vie et de travail à une vitesse incroyable. Ce n’est pas la première fois dans l’histoire de l’humanité. Une guerre mondiale est un grand moment de coordination massive, où il ne s'agit pas de renoncer à une séance de ciné, mais à sa vie professionnelle et familiale, voire à sa vie tout court !
Plus positivement, le livre-clé Effondrement de Jared Diamond raconte plusieurs pages de l'Histoire où des sociétés ont sauvé leur peau. Notamment, cette période du 19ème où le Japon, pour sauver ses écosystèmes, a décidé de reboiser massivement son pays et avec succès ! Non seulement cette mobilisation mondiale anti-covid n’est pas une première, mais nous coordonner, nous concerter, et nous raconter un récit collectif est précisément le talent numéro un de notre espèce. Même si nous préférons nous répéter le contraire (parce qu’une vision pessimiste des choses nous évitera d’être déçus au cas où ?), c’est la réalité historique de l’Évolution.
Alors pourquoi a-t-on mieux lutté contre cette pandémie que les « pandémies » de diabète, de cancer du fumeur, d’obésité, alors que ces maladies ne sont pas contagieuses et qu’on peut restreindre le sucre, le tabac, le gras sans se confiner, sans freiner l'économie, sans porter de masque ? Parce qu'on y a cru ! On a cru l'OMS sur la covid, bien plus que sur d'autres pathologies bien plus graves. Ce n'est pas la gravité réelle qui compte : c'est notre attention à un récit collectif.
Impuissance contagieuse
Pour autant, beaucoup de scénarios de Transition continuent à partir de ce dogme : « les humains n'apprendront PAS à consommer mieux assez vite ». On n'y croit pas. Du coup, on combat le risque climatique par d’autres prises de risque, comme par exemple l’énergie nucléaire – les alertes récentes sur l'EPR chinois nous le rappellent. On accepte de s’enfermer dans le dilemme « peste ou choléra ? ». On exclut mordicus l'idée que les gens puissent se plier à une consommation d'énergie soutenable, à une alimentation soutenable, des vacances soutenables, etc.
Ce faisant, on passe à côté d’une énergie plus puissante : notre énergie collective et la capacité des sociétés à changer réellement. L’énergie qui se mobilise en nous, quand on se raconte un récit puissant. Cette énergie ne suffit pas à tous les coups, l’histoire est pleine d’effondrements irréversibles aussi. Mais exclure qu'on puisse massivement changer de comportement, c'est bouder nos capacités d'entraînement à nous, communicants. Les comportementalistes savent décrire précisément les phases d'un changement de comportement et, pour certains d’entre nous, nous savons construire un plan de communication sur la base de ces études.
Les coaches parlent parfois « d’impuissance apprise ». Avant eux, La Boétie pointait notre « servitude volontaire ». C'est cette impuissance apprise qui est contagieuse, avec de multiples variants dialectiques. Nous nous contaminons, en papotant dans les dîners, en prenant nos décisions professionnelles, en éduquant nos enfants dans cet esprit : «on ne changera jamais assez vite !». Le plus sceptique l'emporte. Pourtant, nous nous sommes confinés. Mondialement. En un rien de temps. Qui l’eut cru ?
