Tendances

Progressivement entré dans les mœurs des Français et des marques ces trois dernières années, le QR Code, massivement utilisé en Chine, approche d’une nouvelle ère tant sur le fond que sur la forme.

Une révolution silencieuse est en marche. Incarnation de la consommation de masse, le code-barres, scanné en caisse pour la première fois en 1974 sur un paquet de chewing-gum, se voit poussé sur la touche par l’évolution des usages et de la technologie. Son remplaçant : le QR code ou Quick Response Code (« code à réponse rapide »), un carré composé de petits pictogrammes noir et blanc, avec lequel les Français et les marques se sont familiarisés ces trois dernières années dans le sillage d’une pandémie nécessitant d’afficher son passe sanitaire ou d’accéder aux menus des restaurants. Car un nouveau cap vient d’être franchi. D’ici à 2027, le QR Code supplantera progressivement le code-barres des emballages de produits de grande consommation. Ainsi en a décidé Global Standard 1 – alias GS1 –, qui gère le système d'identification des produits et l'échange d'informations standardisées à l’échelle de 150 pays et de 57 000 adhérents issus de la distribution, de l'industrie, de l'e-commerce ou de la logistique. De quoi augurer une généralisation du QR Code à terme et, au-delà des frontières B to B, faire naître de nouveaux enjeux pour les marques tant sur le fond que sur la forme.

Pour prendre la mesure du phénomène, un retour en arrière s’impose. « Une percée en France du QR Code a eu lieu ces dix dernières années mais celle-ci est restée modeste en raison notamment d’irritants techniques. La crise du covid a changé la donne et l’évolution des constructeurs de smartphones va dans le même sens avec un système intégré directement aux appareils photo tant sur Android que sur iOS. Reste néanmoins l’aspect esthétique, avec un côté mauvais pixel art peu attrayant », cadre Eric Baesa, fondateur du projet ArtQRCode. Un constat qui a poussé le Français à plancher sur le sujet et à lancer finalement un collectif baptisé Elkoy, lequel produit au compte-gouttes des QR codes stylisés et uniques en leur genre pour le compte de grands noms comme Nike, Ruinart, Coca-Cola ou Vuitton. « L’idée de ce projet est de faire du QR Code quelque chose de beau pour les marques et les consommateurs. On revendique la notion d’œuvre d’art et l’organisation d’une exposition à Soho en mars 2022 s’inscrit dans cette démarche », rappelle-t-il au sujet d’un secret bien gardé. « Il faut un mois et demi de travail pour produire un QR Code et nous sommes cinq seulement à être aujourd’hui en capacité de le faire », pointe-t-il quant à un processus déposé. Autrement dit : un modus operandi loin de pouvoir répondre à une demande exponentielle. Pour l’instant ? « La prochaine étape, baptisée ArtQRCode Create, consiste à travailler à l’aide d’une intelligence artificielle afin de pouvoir multiplier les créations. Si ce projet aboutit, une industrialisation du procédé est possible », glisse-t-il.

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En attendant cette potentielle nouvelle ère graphique, que des acteurs comme Snapchat ou Messenger ont devancé en « brandant » leur logo, les marques s’emparent doucement du phénomène. Dernière en date : E.Leclerc qui, après l'annonce de l'arrêt de la distribution de prospectus papier en boîtes aux lettres, déploie une vague publicitaire avec BETC dans laquelle l’enseigne invite ses clients à télécharger l’application Mon E.Leclerc (« L’appli qui défend leur pouvoir d’achat »). À la clé, une campagne constituée d’un format 30 secondes et de cinq formats 15 secondes mettant en scène un QR code XXL que les clients peuvent flasher pour télécharger l’appli, une voix off connivente meublant cet inhabituel silence. Un cas parmi d’autres qui incarne un défi essentiel : savoir en faire le meilleur usage en termes de stratégie de marque. Au rayon de la grande distribution, où certains acteurs apposent déjà sur les packagings des QR codes informationnels ou renvoyant vers des sites web, les avantages sont tout trouvés. « À l’heure où l’on parle beaucoup de traçabilité et de transparence, le QR Code est un formidable outil pour augmenter les informations mises à disposition », considère un spécialiste du retail. « L’essentiel est de trouver la bonne formule en fonction des canaux », analyse pour sa part Léo Cabannes, user experience lead de l'agence Artefact 3000, qui distille quelques convictions. « Dans le cadre du parcours utilisateur, si le QR Code est utilisé à bon escient, il permet de digitaliser des moyens de communication plus classiques, par exemple en presse via une logique de call to action. En revanche, l’intérêt d’y recourir en affichage me convainc moins que les possibilités qu’offre cette techno au niveau des services. Il n’y a qu’à voir le fonctionnement de Nirio [service de paiement des factures du quotidien lancé début 2023 par le groupe FDJ], au sein duquel le QR Code joue un rôle clé, pour s’en convaincre. Ce qui est sûr, c’est que les marques vont s’en servir de plus en plus à l’avenir », juge-t-il. 

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Et lorsqu’il est question de prospective, le mieux est de se tourner vers ce qui se fait ailleurs. En l’occurrence, la Chine où le QR code s’avère omniprésent depuis de longues années. Un « élan de QR code-isation de la société – aux caisses des magasins, sur la vitrine des boutiques, sur les emballages des produits, à la télévision et même sur les badges des serveurs des restaurants », qu’examine la doctorante Yuwen Zhang dans une étude intitulée « L’hégémonie du QR Code en Chine ». Trois catégories principales de scénarios faisant appel à des QR Codes en ressortent. Tout d’abord la fonction informationnelle classique, suivie par une fonction sociale puisque « dès sa mise en service en 2011, WeChat attribue à tous ses utilisateurs un QR code en guise d’identifiant numérique et un lecteur de QR code intégré ». Conséquence : les utilisateurs de WeChat « se scannent » pour devenir amis dans la vie réelle. Le troisième scénario majeur est lié à la consommation et plus particulièrement au paiement, étape indispensable du parcours client. « Depuis 2013, le lecteur de QR code intégré a été amélioré, la vitesse d’identification des QR codes est très rapide et un moyen de paiement mobile a été installé : WeChat Pay, portefeuille numérique et mobile. Sur le milliard d’utilisateurs actifs, 940 millions ont relié leur compte WeChat à leur compte bancaire », relève l’étude. Signe de cet engouement massif, au premier semestre 2019, plus d'un milliard de Chinois utilisaient le paiement mobile et effectuaient en moyenne quatre transactions par jour et par utilisateur par l’entremise d’un QR Code. 

Néanmoins, qui dit nouveautés dit risques potentiels. Outre les problèmes aigus de surveillance soulevés et maintes fois mis en évidence depuis le début de la crise sanitaire en Chine, gare à ne pas négliger l’aspect cybersécurité. Car comme le rappelle Benoît Grunemwald, expert chez Eset, les cybercriminels suivent invariablement les tendances. En d’autres termes : « si le QR Code se généralise, les cybercriminels vont se ruer dans la brèche », estime-t-il, soulignant également les « potentiels conflits à venir sur le volet des technologies de paiement avec typiquement la concurrence de la technologie NFC développée par Apple Pay pour autoriser le paiement sans contact via l’iPhone ». Pas de quoi empêcher le QR Code de s’installer durablement comme un nouveau symbole de la mondialisation.

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