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En vogue aux États-Unis et en Asie, cette pratique attire de plus en plus la communauté française qui participe à l'effervescence de cet art. 

Mettre en scène des jouets et les prendre en photo, c’est le principe de la toy photography. Mais cette discipline qui semble simple à première vue est bien plus complexe qu’on ne le pense : il ne suffit pas de poser un jouet et de le capturer. Les photos prises par les toy photographers sont recherchées : il y a une volonté d’inclure des références, de rejouer une scène d’une aventure dans laquelle le personnage figure, ou d’en inventer une tout autre. Les photos peuvent parfois même être trompeuses et si bien mises en scène qu’on ne se rend pas tout de suite compte qu’il s’agit d’un jouet.

La toy photography a la cote aux États-Unis et en Asie, et se popularise progressivement en France depuis ces dix dernières années. Les membres de cette communauté de photographes sont en grande partie des adultes, des collectionneurs, des fans de pop culture, qui cherchent à garder leur âme d’enfant avec un œil mature. Une sorte de mélange entre l’imaginaire et le réel. Joe Hume, ou @french_toy_love (13,9 K abonné(e)s) sur Instagram, est l’un des premiers à avoir ouvert la voie de la toy photography en France. « À l’origine, je prenais en photo les jouets que j’avais pour les répertorier dans ma collection et les partager sur des forums. Et un jour, je suis tombé sur le #ToyPhotography sur Instagram, et j’ai découvert cette passion que beaucoup de gens dans le monde partageaient », explique l'artiste, par ailleurs animateur radio sur Ouï FM. Sur le réseau social, le hashtag comptabilise près de 13,2 millions de posts, et sur Facebook de nombreux groupes internationaux sont répertoriés.

Mais à quand remonte l’arrivée de cette hype en France ? Pour Joe Hume, à environ cinq ans. « De mon point de vue et de ce que j’ai constaté sur Instagram, la plupart des toy photographers sont ceux qui ont envie d’entretenir cette passion du jouet, tout en développant autour de ça quelque chose qui soit créatif, mais qui sorte de l’enfant nostalgique qui n’a pas grandi et qui continue à acheter des jouets. » Les profils des photographes sont « généralement des personnes entre 30 et 45 ans, qui sont actives et avec un peu de pouvoir d’achat pour se procurer ces objets de collection ». Mais pas de panique, la pratique est accessible à tous. Il n’y a pas spécialement besoin d’investir dans un appareil photo haut de gamme et des jouets excessivement chers pour se lancer : Joe Hume, tout comme d’autres, a commencé avec son téléphone.

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Le style définit la patte artistique de chacun. Celui de @french_toy_love est très influencé par les photos de cinéma : « Les lumières sont pour moi essentielles. Je pense que mon style est plus contemplatif. Mes photos racontent des histoires, ça ne me dérange pas de n’être pas tant dans la description, et qu’on image plutôt ce qu’il se passe en dehors du cadre de la photo. Je me suis inspiré des éclairagistes des gens du cinéma. » Un shooting photo est très variable, le photographe peut y passer d’une demi-heure à une journée, voire plus, puisque la patience est infinie avec un jouet immobile. « J’aime beaucoup faire les décors moi-même avec du DIY (do it yourself) en créant un effet neige avec de la farine par exemple, c’est plus amusant », confie-t-il.

Au Paris Fan Festival, week-end consacré aux amoureux(-euses) de pop culture à la Porte de Versailles les 15 et 16 avril, le stand Hasbro installé à l’entrée du salon regorge d’une mine d’or de figurines d’univers en tout genre, que ce soit Star Wars, Marvel, Donjons & Dragons… La société spécialisée en jouets et jeux contribue à cette effervescence de la toy photography puisqu’elle organise depuis peu de temps des jeux concours qui permettent de populariser davantage la pratique.

Pierre-François Periquet, responsable communication France chez Hasbro, confirme le tournant de ces cinq dernières années : « Le matériel photo coûte moins cher et il est possible d’avoir un bon résultat avec un téléphone. Les qualités physiques et les variétés des accessoires de figurines ont contribué à cette émulsion. Il y a une recherche d’expressions proches de la réalité, c’est pourquoi on propose des figurines avec deux têtes. » L’arrivée d’une gamme de jouets pour adulte ou les sorties de films contribuent également à cet art. « Il y a des ventes constantes pour les adultes tout au long de l’année, et ça touche tous les univers. La fourchette des prix est variable, cela peut être entre 15-20 euros à 200 euros et plus. Quand on commercialise en France, on a des quantités qui vont entre 200 à 300 pièces, et ça peut monter jusqu’à 10 000 pièces pour un Dark Vador ou un Spiderman. » 

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Parmi ceux qui ont répondu présent lors de la première soirée, on rencontre Haitem Gasmi, responsable Digital chez l’agence We Maje, connu également sous le pseudo de @bespincloud. « La toy photography, c’est un hobby assez nouveau, on propose une nouvelle utilisation du jouet avec un côté artistique. Ce que j’aime, c’est le travail sur la lumière en m’inspirant de l’univers du cinéma. Je réalise des compositions surchargées pour que les gens s’arrêtent et prennent le temps de s’arrêter sur les détails. Un point important à ne pas négliger est le storytelling : l’histoire qu’on raconte est super importante. Pour cela, je regarde beaucoup de films et je lis des comics qui m’aident à créer de nouvelles histoires. On va au-delà de l’imaginaire. » S’il ne fait de la toy photography que depuis environ deux ans, sa création n’a pas de limite, et il raconte l’histoire derrière les photos exposées pendant le festival.

Sur le chemin du retour, Stratégies croise la route d’Alexandra (@valzuji) et Alexandre (@badboysbadtoys), également toy photographers et fondateurs de l’association Toy Photo French Force, qui a vocation à mettre en valeur la discipline. « Le confinement a joué un rôle dans cette popularisation. On organisait des apéros toys, afin de se rencontrer et de se réunir pour savoir comment faire évoluer la toy photo », partagent-t-ils. Au fil des discussions, tous témoignent de la richesse de cet art, rempli de sous-genres, accessible à tou(te)s et à toutes les générations au sein d’une communauté soudée et bienveillante. La toy photography permet de redonner vie aux jouets. Il n’y a plus qu’à se lancer !

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