Tendance
Davantage que les mannequins, les acteurs ou les influenceurs, les personnages des séries deviennent de véritables icônes de mode. Au point parfois de devenir des modèles de vie.

La série-mania a encore frappé. Depuis l’avènement des plateformes en streaming, le cinéma n’a plus le monopole des louanges des critiques. Il fut un temps où l'on s'inspirait du style «boyish» de Diane Keaton dans Annie Hall, de la marinière de Charlotte Gainsbourg, période L'Effrontée. Aujourd'hui, ce sont les séries qui abritrent les élégances. Sans complexes. «Il n’y a pas de honte à s’imprégner de la rue ou de choses considérées comme non élitistes. L’audiovisuel n’a jamais été considéré comme un art noble mais l’industrie de la mode n’y voit pas de sous-culture, au contraire», tranche Lennie Stern, head of creative and entertainment strategies chez BETC.

Les créatifs cherchaient l’inspiration dans les musées, désormais ils vont sur Netflix. Stranger Things illustre parfaitement cette tendance. Phénomène mondial, la série semble faire l’unanimité question mode. Pourtant l’intrigue se passe dans les années 80, pas forcément la meilleur cuvée question style. Il n’en fallait pas plus pour éveiller la curiosité des marques natives des eighties. Levi’s s’amourache ainsi des looks de deux personnages de la série : Eleven, jouée par Millie Bobby Brown et Dustin, interprété par Gaten Matarazzo. Entre chemise à motif Aztec, jeans à pinces et casquette raplapla, Levi’s recopie à la perfection leur style vestimentaire. Autre pilier des années 80, Nike. La marque à la virgule suit le mouvement et proposait le 27 juin un premier jet de sa collection Stranger Things intitulée «Hawkins High Collection», où elle dévoilait ses baskets Cortez griffées de l’univers de la série. Sans compter les marques de fast-fashion qui se sont également appropriées ce style 80’s au travers de collections capsules comme H&M, Topshop, Pull & Bear, Havaianas…

Justaucorps et bodys fluo

Autre cas de figure 80s, la série Glow. Son lancement sur le petit écran a signé le retour des justaucorps, bodys fluo et guêtres en tous genres. Au grand dam de certains, les cours d’aérobic reprennent du service. À Paris, le concept de fitness This is Arnold ne cache pas s'inspirer de la série et propose une séance d’aérobic «100% féminine et sensuelle». Dans la catégorie série teen, Riverdale fait fureur auprès de la communauté Netflix. Cette bande de lycéens américains aux dents ultra-blanches arborent des styles éclectiques qui ont séduit la marque de sous-vêtements Undiz. Elle n’a pas hésité à lancer une collection de pyjamas et petites culottes à leur effigie.

Les maisons de luxe s’ouvrent à leur tour à cet épiphénomène. «Ce n'est pas que de l'opportunisme, c’est aussi une réponse à un problème financier qu’ont les grandes maisons de mode. Quand il faut sortir 22 collections par an, les dénicheurs de tendance épuisent vite les idées», remarque Lennie Stern. Les marques de luxe ont également compris que les millennials sont prêts à casser leur Livret A pour investir dans des pièces de marque. Gucci, lors de la Fashion Week de Milan 2018, présentait une collection pour le moins étrange. Des mannequins au regard hagard déambulaient, une tête humaine à la main et un dragon en laisse. Les experts y ont vu une inspiration à la Game of Thrones... Le personnage de Daenerys y est pour beaucoup. Son style est toujours soigné, ses cheveux impeccables, mais personne ne pourrait se pavaner, vêtu comme elle, dans la ligne 9. Ce que retiennent surtout les maisons de luxe, c’est son assurance, sa manière de faire plier les hommes, une personnalité «inspirante» que les marques retranscrivent dans leurs vêtements. De son côté, Saint Laurent vient de lancer une collection entièrement inspirée du personnage de Friends Rachel Green. La marque s’est également intéressée à l’acteur de Stranger Things Finn Wolfhard pour en faire sa nouvelle égérie dans sa nouvelle campagne, quand Chanel tente de se rapprocher de Millie Bobby Brown.

Coupe Rachel

Finalement, les acteurs de séries TV seraient-ils de meilleurs prescripteurs que les acteurs, les mannequins ou encore les influenceurs ? Dans le milieu de la mode, tous les spotlights semblent se braquer sur eux. «À l’époque, une Rachel Green ou une Alicia Silverstone de Clueless étaient les seules influenceuses en vogue. Elles rendaient les styles visibles et abordables. C’est un cercle vertueux puisque les séries mettent en avant des stéréotypes de mode. Je me rappelle que chez le coiffeur, la coupe Rachel était très demandée», s’amuse Lennie Stern.

Recopier la mode de nos starlettes préférées n’est pas nouveau. Dès les années 90, en plus du style de Rachel Green, devenu une référence chez les femmes trentenaires, Carrie Bradshow de Sex and the City a donné le «la». Rédactrice chez Vogue, elle dégaine ses Manolo Blahnik plus vite que son loyer et pousse les femmes «lambda» à reproduire avec les moyens du bord ses looks romantico-chic. Dans les années 2000, c’est Serena Van Der Woodsen de la série Gossip Girl qui crève les écrans. Sa «frenemy» [amie-ennemie] Blair n’est pas en reste avec son look d’écolière BCBG, et fascine les maisons de luxe au point de relancer le style preppy. Une tendance qu’une enquête réalisée par la plateforme de revente Vinted tient à nuancer. Sur près de 1 003 femmes interrogées âgées de 15 à 35 ans, la plupart concède à une inspiration mais pas un copier-coller. Seules 20% d’entre elles ont tenté de reproduire un total look.

Au-delà de la mode, cherchons-nous à adopter le comportement de nos personnages favoris ? Le personnage de Nancy Botwin, héroïne de Weeds [diffusée en intégralité sur Netflix], veuve ultra-cool, dealeuse de marijuana, mais aussi consommatrice invétérée de café latte, a ainsi poussé l'autrice de cet article à dépenser des sommes astronomiques chez Starbucks. «Ces personnages incarnent des valeurs établies selon différents stéréotypes. Ils constituent des analogies de personnes que nous pourrions ou voudrions être. Seulement des personnages comme Bree Van de Kamp de Desperate Housewives ou Betty Draper de Mad Men, ça n’existe pas dans la vraie vie, analyse Lennie Stern. Les scénaristes poussent leurs caractères à leur paroxysme pour affirmer leurs différences. Comme dans How I Met Your Mother, le personnage de Barney Stinson est inimaginable, on ne peut que s’en rapprocher.» Peut-être en commençant par adopter les fameux costards du personnage ?

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